dimanche 7 décembre 2014

Spectacle inaugural du Fitheb 2014

Le système Ifa ou la sagesse ancestrale à trois dimensions

(Un spectacle qui mérite d’être distribué dans nos langues pour une prise de conscience)

‘’Notre  boussole ancestrale’’, voilà l’intitulé du spectacle qui a ouvert le bal au festival international de théâtre du Bénin (Fitheb) 2014. Un spectacle sur le Fâ présenté avec cinq acteurs, avec l’auteur du texte Gratien Ahouanmènou, dans le rôle du pédagogue. Une représentation qui dénonce la tromperie calculée du blanc, face à ce qui constitue, l’alphabet et le système linguistique du peuple noir. Avec ses  seize (16) lettres d’alphabet, Ifa est une sagesse ancestrale, existentielle et universelle. Un spectacle présenté par les Messagers pour Raviver la Flamme Ancestrale (Mrfa) et qui a retenu l’attention du public.  
Les Messagers pour Raviver la Flamme Ancestrale, à la fin du spectacle

Supercherie. Voilà le mot qui désigne à la perfection, le comportement du blanc et du christianisme, face à la civilisation africaine et au système Ifa, le socle du système linguistique du Danxomè et du peuple noir. En effet, le spectacle inaugural du Fitheb 2014, ‘’Notre boussole ancestrale’’ retrace le passé glorieux de nos ancêtres à travers Ifa. L’histoire pris son envol par la curiosité de l’Abbé Francis Aupiais, alors missionnaire de l’église catholique romaine au Danxomè. Il voulu découvrir le lieu d’habitation, les conditions de vie et les parents de son meilleur élève. Pour celui qui faisait partie d’un cercle qui minimisait les capacités du peuple noir, qui pensait que l’Afrique et les africains, n’ont pas de civilisation et qu’ils se savent ni lire ni écrire, sa rencontre avec le père de son élève bouleversa entièrement sa vie et toutes les idées saugrenues que lui et les siens avaient de l’Afrique et des africains. Le Padré y découvre en effet, que le père de son élève le plus perspicace, le plus intelligent, n’était qu’un Awonon, un Bokonon, si vous voulez, un Prêtre du Fâ. Le Père Francis Aupiais, fut alors saisi d’une envie renversant d’en savoir plus. Ce que le père de son élève lui enseigna à cœur joie. Après avoir découvert les contours du Fâ chez les Fon et d’Ifa chez les Yorouba, le Padré compris la profondeur d’une science universelle, un système linguistique d’une profondeur inouïe.

Le système Ifa, c’est en réalité, l'alphabet pictographique et binaire, une écriture binaire de seize pictogrammes qui produisent une écriture symbolique de deux cents cinquante(256) couples constituant des idéogrammes représentant les entités d'Ifa. Ce système dispose d'une sémiologie tridimensionnelle à savoir la dimension littéraire et éthique : la science éthique, la dimension divinatoire et l'astrologie : la science cosmogonique et la dimension pharmacologique et thérapeutique : science pharmaco-thérapeutique.  

C’est donc après la connaissance de toutes ces démonstrations sur Ifa, que le Père Francis Aupiais, fut convaincu de la sagesse, des peuples noirs du Golfe de Guinée. Il se repentit alors devant Dieu, lui demandant pardon pour avoir minimisé une partie de son peuple, auquel dans sa bonté il a donné un savoir et une science inoxydable. Désormais, il se mua en un ardent défenseur de l’Afrique, des africains et de leur culture. Toutes choses qui lui coûteront son poste au Danxomè, car il sera appelé à servir ailleurs, parce qu’il devenait un frein au processus d’abêtissement de l’Afrique et des africains.

Alfred Fadonougbo (ce nom signifie Ifa di la vérité)
Voyons ce que conseillent quelques combinaisons d’Ifa, la sagesse ancestrale

Des seize lettres de l’alphabet, qui se lisent de la droite vers la gauche, chaque maison géomantique à ses recommandations, ses interprétations et ses interdits. C’est ainsi que :
-          La combinaison (05-10) appelée (Losso-Sa), recommande le goût de l’effort. Ifa enseigne là, à celui qui consulte et dont cette combinaison est apparue, que c’est à l’épreuve du labeur qu’on accède au vrai bonheur et que le salut et le réconfort sont au bout de l’effort.
-          La combinaison (02-05) dont (Yèkou-Losso), parle de paix et du système de gouvernance. Ifa met en exergue à travers cette combinaison, la préservation de la paix qui passe forcément par la rotation dans la gouvernance.
-          Si (Lètè-Gbé), la combinaison (06-12), (qui représente par ailleurs la date du démarrage du Fitheb 2014 (06 décembre), parle d’un spectre à ménager, Aklan-Winlin a permis aux acteurs de remonter le temps pour montrer le sens et tout le bien du Fâ.
-          Aklan-Winlin, la combinaison (06-08), parle donc de brutalité ou de sérénité. Remontant donc le temps, les artistes et le pédagogue rappellent au public que ce fut cette combinaison qui fut révélée au roi Béhanzin, lorsque ce dernier consulta le devin par rapport à la guerre de résistance qui devrait l’opposer aux français. Ifa, à travers Aklan-Winlin avait prédit l’échec et le déclin au roi Béhanzin. Celui-ci s’entêta, se lança dans l’affrontement. La suite des milliers de ses sujets seront tués, il connait l’échec, fut déporté et s’éteint en déportation. Sa dépouille mortelle ne retrouvera la Terre de ses ancêtres que des décennies plus tard grâce à son fils Wagnilo.

La Supercherie

Supercherie, ce mot qui se retrouve au début et à la fin de cette représentation théâtrale voudrait attirer l’attention des africains, sur l’importance de leur patrimoine culturel. L’Afrique à tout à sa disposition, nos ancêtres avaient tout accompli, c’étaient de véritables chercheurs. Ils ont cherché, fouillé et l’entité suprême leur révéla Ifa. Ifa, cette science, cette boussole ancestrale pour l’homme en perdition, l’alphabet africain par excellence, le blanc avait perçu sa portée. Si on laissait les africains dans cela, ils feront certainement des merveilles, ils auront la clef à tout. Il fallait alors les détourner de cela, leur arracher cela, non pas pour s’en servir, les abêtir et les plonger dans l’acculturation. Pour y arriver, le blanc a tôt fait de diaboliser Ifa, chantant partout que rien n’est là et qu’il ne faut pas tenter Dieu, qu’il faut l’adorer seul et rien de plus. Mais chez eux, il y a des tireurs de cartes, les voyants, etc. Et ça leur à marcher, car très rapidement des milliers d’africains, abandonnent leurs racines pour s’accrocher au chemin de la bible, ceci au détriment d’Ifa et des autres réalités ancestrales intangibles de notre culture.
De la gauche vers la droite, Hagbè Gopal Das, Amagbégnon et Adébayor Houssou

Brève critique

« Tenant d’une picturalité octale et binaire, structurant une sagesse prévenante et salutaire, le système Ifa recèle une véritable science séculaire qui guide l’Homme pour accomplir sa mission sur terre ».  Et c’est là tout le sens de cette représentation, ce premier spectacle du festival International de Théâtre du Bénin, le Fitheb 2014. Un spectacle, saisissant qui aura retenu l’attention du public du début à la fin. D’une professionnalité rare, les acteurs ont joué leur rôle très sobrement. Aidés d’un écran sur lequel il est projeté les détailles et les fruits des recherches de l’auteur du texte, qui n’est autre que Gratien Ahouanmènou, le pédagogue sur la scène, les acteurs ont maitrisé leur sujet. Il apparait très clair que le message qu’on cherche à transmettre est poignant. Puisque le spectacle raconte les cent (100) mystères et les cent (100) mystifications, avec pédagogie et énergie de la sagesse universelle du système Ifa. Une sensibilisation du public sur les fondements de cette science et de cette sagesse ancestrale, pour son appropriation. Dans le même temps c’est un appel de pied aux autorités, afin que ce patrimoine que le Bénin partage avec le Nigeria qui l’enseigne dans ses Universités, soit mis au programme aussi dans nos Universités. Somme toute, il va falloir que les Messagers pour Raviver la Flamme Ancestrale (Mrfa), pense à revoir la langue dans laquelle le spectacle est distribué. Car ce texte, ne doit pas être distribué seulement en français, mais dans chaque langue africaine et représenté sur toutes les places publiques et partout, ceci  afin de permettre la prise de conscience rapide et si possible essayer de redresser la pente, par rapport à la Supercherie.

Patrick Hervé YOBODE

Texte : ‘’Notre boussole ancestrale’’
Ecriture : Gratien Ahouanmènou
Mise en scène : Dine Alougbine

Distribution : MRFA : Alfred Fadonougbo, Hagbè Gopal Das, Amagbégnon le Pouvoir du Verbe, Adébayor Houssou et Gratien Ahouanmènou.

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