mardi 25 septembre 2012

Le rêve paralympique des Africains

Les paralympiens auront toutefois fait mieux que leurs camarades valides dans le classement des médailles entre les différentes nations participantes. 


Quarante-deux pays africains présents aux Jeux paralympiques de Londres, ce sont dix de plus qu'il y a quatre ans à Pékin. Ces chiffres, plutôt encourageants, sont de nature à motiver des sportifs handicapés venus d'Afrique. Mais si certains pays comme l'Égypte ou l'Afrique du Sud viennent avec des délégations importantes d'une cinquantaine d'athlètes, d'autres ne sont présents que grâce à l'investissement de quelques personnalités. En Afrique, les embûches sont encore nombreuses pour ceux qui ont décidé de ne jamais se laisser arrêter par leur handicap et de vivre le rêve paralympique.
La délégation béninoise
 
À Stratford, à l'Est de Londres, les athlètes ont pris leur quartier dans le village olympique. Dans le centre commercial de Westfield qui sépare le village dortoir des installations sportives, il n'est pas rare de voir flâner les paralympiens. Mais parmi les huit cents athlètes venus d'Afrique très peu s'aventurent dans les allées de Westfield.

Konstant Kponhinto est lanceur de poids assis pour le Bénin. Il est arrivé une semaine avant le début des épreuves, mais quand il fait du shopping pour ramener quelques souvenirs au pays, il se rend dans les boutiques du village olympique et non dans le grand centre commercial. L'agitation extérieure et la barrière de la langue expliquent son attitude casanière, mais surtout Constant n'est pas venu pour faire du tourisme. En tant qu'unique athlète pour la délégation du Bénin, il prend son rôle au sérieux. "Mon épreuve ne s'est pas passée comme je l'aurais voulu. J'aurais aimé aller plus loin. Mais déjà, je peux me réjouir de ce qui s'est passé, j'ai pu battre mon propre record."

Constant est handicapé depuis l'âge d'un an. De ce qu'on lui en a dit, il a eu la polio et les séquelles de la maladie ont affecté sa capacité à marcher. Quand ce n'est pas dû à une malformation natale, la majorité des cas de handicap chez les enfants en Afrique est causée par la polio. Entre 1988 et 2010, les cas de polio dans le monde ont diminué de 99 %, passant de 350 000 à 1 352. Le Nigeria est aujourd'hui le seul pays d'Afrique où cette maladie est encore présente. À 35 ans, Constant s'estime heureux de pouvoir marcher de petites distances grâce à une orthèse. Mais, malgré son handicap, jamais Constant n'a vu le sport comme quelque chose d'inaccessible. "Depuis mon enfance, j'aime le sport. Déjà dans mon quartier j'étais footballeur malgré mon handicap. C'est peut-être le moment de remercier mes parents et mes camarades, qui à aucun moment ne m'ont fait penser que j'étais différent des autres." En grandissant, à Abomey, une ville de 80 000 habitants au Bénin, Constant n'a pas connu la stigmatisation que de trop nombreuses personnes handicapées vivent.


Être handicapé en Afrique

Jamais écarté par son entourage à cause de son handicap, Constant se dit chanceux d'avoir grandi dans un environnement favorable à son épanouissement en tant que personne handicapée et athlète. "Malheureusement, tous les enfants handicapés n'ont pas ma chance, surtout au pays. Il y a des pesanteurs sociales sur les enfants handicapés. Il y en a qui sont relégués à l'arrière-cour, il y en a qui sont enfermés dans leur chambre, parce que leurs parents ont honte de les laisser sortir. Pour certains parents, avoir un enfant handicapé est une sanction divine" Et cette situation n'est pas spécifique au Bénin.

Pour Alidou Diamoutene, Ivoirien, être handicapé en Afrique est particulièrement difficile. À l'université, il ne pouvait assister qu'aux cours qui se déroulaient au rez-de-chaussée. Plutôt que de demander à chaque fois à ses amis de le porter dans les escaliers avec son fauteuil roulant, il recopiait les cours de chez lui. "Et si la personne avait mal pris le cours ou que je ne comprenais pas, c'était tant pis pour moi" dit-il tout en souriant pour essayer de cacher la rancœur d'une injustice. Mais c'est à l'université qu'Alidou a commencé à pratiquer le sport de manière intensive. En fauteuil roulant depuis qu'il a contracté la polio à l'âge de 3 ans, il s'est mis à l'haltérophilie. À Londres, pour sa troisième participation aux Jeux paralympiques, il finit quatrième malgré une blessure à l'épaule survenue quelques jours plus tôt. Si sa délégation comporte davantage d'athlètes que celle du Bénin, il est indigné du peu de considération de son gouvernement : "Nous sommes négligés en Afrique. Les sportifs handicapés ne font pas du sport simplement pour participer. Nous réalisons de véritables performances aux événements tels que les Paralympiques. Mais pour être performant, on a besoin d'être bien préparé, on a besoin d'équipement adapté. Il est temps que le gouvernement nous prenne en considération. Parce qu'on peut faire quelque chose pour notre pays, on est ici pour porter les couleurs de notre pays."



Le parcours du combattant des NPC (National Paralympic Committee)

Les gouvernements ont effectivement un rôle important à jouer pour permettre le développement du handisport chez eux, mais aussi pour permettre aux athlètes de se rendre aux compétitions internationales tels que les Paralympiques. Le comité international paralympique (IPC) qui, au niveau international, gère la sélection des athlètes pour les Paralympiques et encourage le développement de politiques de handisport, finance une partie des billets des athlètes. Mais sans subvention gouvernementale, les délégations ne peuvent pas partir. Le Malawi a d'ailleurs tristement dû annuler à la dernière minute sa participation aux Jeux paralympiques cette année. Pour Georges Seriki, secrétaire général du National Paralympic Committee (NPC) du Bénin, cela n'a rien de surprenant. "Jusqu'au dernier moment, on n'est jamais sûr à 100 % de partir, ni d'avoir les sous. Mais ça, il ne faut pas le dire à l'athlète, parce que, lui, il doit se concentrer sur son épreuve." En plus du prix des billets à avancer, le NPC doit aussi trouver un financement pour l'équipement sportif, les tenues pour la cérémonie d'ouverture etc. Et l'IPC ne prend en charge que 60 % du prix moyen des billets, donc plus le NPC attend pour les acheter, plus les prix augmentent, et alors il devient impossible de partir. Pour ne pas prendre de risque cette année, le NPC du Bénin a décidé d'investir les fonds propres de son président en attendant l'aide gouvernementale. "Le stress est garanti quand on essaye d'organiser le départ d'une délégation pour les Jeux. Parce qu'une fois qu'on obtient l'accord du ministère, c'est parti pour un long round de ping-pong, de va-et-vient. Vous devenez presque un fonctionnaire du ministère. Parce que vous y allez régulièrement, presque tous les jours."



Une wildcard pour un athlète méritant

Mais la participation du Bénin était d'autant moins certaine qu'aucun de leurs athlètes n'a été sélectionné. C'est le principal regret de Constant Kponhinto qui participe à ses premiers Jeux Paralympiques en tant qu'athlète invité. Il a bénéficié du système des wildcards mis en place par l'IPC pour améliorer la représentation de certains pays aux Jeux Paralympiques. Les NPC peuvent alors présenter jusqu'à cinq noms de sportifs et deux peuvent recevoir une invitation pour venir aux Jeux. Mais si les pays africains bénéficient plus que d'autres des wildcards, ce n'est pas parce que leurs athlètes de talents se font rares, mais parce qu'ils sont confrontés à davantage de difficultés. Même si Constant a été médaillé d'or aux Jeux de l'avenir pour personnes handicapées de l'Afrique francophone (JAPHAF), ce résultat ne compte pas, car JAPHAF n'est pas une compétition officielle. José Rodriguo Bejarano est Secrétaire général de l'Africain Paralympic committee. Il reconnaît que les pays africains ne sont pas sur un pied d'égalité avec les autres. "Il y a des limitations en Afrique. Déjà il y a peu de compétitions officielles. Pour être officielle une compétition a besoin de classificateurs (1) et d'arbitres internationaux. Il y en a un peu en Afrique et ça coûte cher d'en faire venir. Et puis, même s'il y a une compétition qui se passe en Afrique, c'est très grand l'Afrique. Comment font les Zambiens pour se rendre au Maroc par exemple ? C'est très dur et ça va prendre du temps avant qu'il n'y ait un réel progrès."

Au total, l'Afrique aura remporté cent douze médailles durant ces Jeux paralympiques, soit cinq de plus qu'à Pékin. Mais les difficultés rencontrées par les Africains avant de finalement participer aux Jeux, ne sont pas entièrement spécifiques aux athlètes handicapés. Même pour les Olympiques, les athlètes africains dénoncent le manque d'investissement de leurs gouvernements dans des politiques pour le développement du sport. Et il est toujours très difficile pour les athlètes africains d'avoir des équipements sportifs de qualité et de s'entraîner dans d'aussi bonne condition que les athlètes occidentaux. Les paralympiens auront toutefois fait mieux que leurs camarades valides dans le classement des médailles entre les différentes nations participantes. La première nation africaine représentée par la Tunisie apparaît à la 14e place dans le tableau, alors qu'aux Olympiques, l'Afrique du Sud, qui était la première nation africaine dans le classement, n'était qu'à la 24e place.
Source: Africultures

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