jeudi 15 janvier 2015

Interview exclusive de Sandra Adjaho, Directrice de l’Association ‘’La Maison des Perles’’

‘’Portez les perles en terre cuite c’est se donner une fierté. Les perles en terre cuite c’est l’élégance et c’est être digne fils du Bénin’’.

(Bientôt une présentation de ces perles aux dignitaires de nos valeurs endogènes)

Actrice de cinéma, danseuse-chorégraphe, créatrice de bijoux en perles et costumes d’arts, Sandra Adjaho, vient de révolutionner le monde des perles au Bénin. Pour cette passionnée qui a commencé par travailler les perles à l’âge de 12 ans, l’heure de la consécration a sonné, grâce à son goût de recherches en la matière. En effet, le mercredi 10 décembre dernier au Centre culturel chinois (Ccc), elle procédait à la présentation d’une collection de perles en terre cuite, avec son Association ‘’La Maison des Perles. Pour celle qui ne rêve que de promotion des perles "Made in Benin", valoriser les perles en terre cuite, c’est revenir à ce qui ce faisait jadis au Bénin, mais qui a disparu faute de relève et de promotion. Fabriquées à base d’argile, cette forme de perles, qui révèle l’identité même du Bénin partout dans le monde, revient grâce à Sandra Adjaho. D’ailleurs déclare-t-elle « Je travaille les perles, mais c’est rien que les perles venues d’ailleurs que je retrouve sur le marché. Et quand je voyage avec elles, elles ne me donnent pas une identité béninoise. Du coup j’ai fait des recherches, sur les perles utilisées autrefois au Bénin et c’est comme cela que j’ai découvert une vieille dame à Ouidah, qui travaille actuellement les perles en terre cuite ». Nous sommes allés à la rencontre de la fille cadette de Coffi Guillaume Adjaho, grand acteur culturel qui a aussi marqué son époque et voici la teneur de ses confessions sur sa passion pour les perles.

Sandra Adjaho, promotrice des perles en terre cuite


La maison des perles qu’est-ce que s’est ce concept ?

La maison des perles est une association dont je suis la présidente et qui travaille pour la promotion, la sauvegarde du patrimoine culturel. Donc comme moi je ne travaille que les perles, j’ai toujours recherché quelles sont les perles qui sont authentiques, qui sont recherchées et propres à nous béninois pour faire la fierté de notre pays parce qu’on travaille souvent les perles qui viennent de l’extérieur  et chaque fois quand tu les portes et voyage à l’extérieur les gens disent oui, tu viens du Ghana, tu viens du Nigéria, et là je me suis dis ça ne va pas. Parce qu’on ne remarque que le produit, on ne voit pas la création. La création on trouve que c’est joli, mais on ne remarque que le produit. Donc je me suis dit qu’il faut maintenant  que je puisse créer une association pour pouvoir rechercher les perles qui existaient chez nous et si possible les créées. Donc c’est de là que j’ai découvert beaucoup de perles déjà. Beaucoup de perles fruits, des perles animaux, des graines en perles et les perles en terre cuite. Et de 2014-2015, on a décidé de faire la promotion des perles en terre cuite parce que la recherche est bouclée déjà. On a pris le temps de pouvoir apprendre comment cela se passe, de pouvoir savoir quelle est sa durée, quelle est la qualité des perles qui découle de la terre cuite. Et maintenant nous sommes totalement prêts pour  pouvoir faire la promotion de ces perles en terre cuite. L’association la maison des perles à découvert les perles en terre cuite, grâce à une dame qui vit à Ouidah et qui s’appelle Madame De-Souza Née Dagba qui travaille les perles depuis 20 ans et que personne de connaissait. Donc lors d’un festival de Quintessence de Jean Odoutan,  j’ai été logé chez la petite fille de cette dame. J’ai été hébergé là-bas et c’est là que j’ai découvert la dame. C’était l’occasion pour moi de l’apprendre et de pouvoir travailler ces perles en terre cuite. En fait, les perles en terre cuite, c’est de l’argile travailler. Donc le produit de base c’est l’argile. Et l’argile on le trouve un peu partout au Bénin. Dès l’achat de l’argile, il y a plusieurs étapes par lesquelles on passe pour pouvoir avoir ses produits. Donc l’argile déjà acheté, on le sèche au soleil pendant  un jour  pour l’asséché puis après on passe au pétrissage. Si c’est une petite quantité on le fait à la main et si c’est une grande quantité on le fait avec les pieds. Après le pétrissage, on passe au modelage. C’est-a-dire on donne la forme qu’il faut. On peut donner toutes les formes qu’il faut et qu’on veut à l’argile et puis on passe au séchage qui dure trois semaines pour que l’eau soit complètement partie et puis après on passe à la cuisson. Après la cuisson le produit fini donne une couleur blanche. Si tu veux, tu peux le colorer aux couleurs ou soit à la fumée ou à toutes sortes de colorants. Et maintenant le travail de créatrice commence et là je donne toutes les formes que je veux en créant des colliers, des objets de décoration, etc.

Cette passion pour les perles comment est-elle née ?

De très longtemps. Au fait j’ai commencé par travailler les perles il y a très longtemps. Disons depuis l’âge de 12 ans. On avait l’habitude de sortir et maman nous achetais des bijoux, des gels et tout. Comme ça quand on va à toutes les manifestations, il y a des personnes qui portent les mêmes choses moi ça ne me plaisait pas car j’aime faire la différence. Et c’est cela qui m’a amené à commencer par travailler les perles. Toutes les perles que je retrouvais chez ma mère, je prends, j’agence et je porte pour sortir et là je suis sure que je suis seule à la porté et je participais à des émissions de Inès Garoué quand elle était à LC2. Et voilà la passion m’a saisie. Je créais pour moi et pour ma famille. Pour mes amis, pour mes cousines. J’ai commencé par le commercialisé aussi grâce à ma mère parce que quand elle allait au boulot, on la bloquait dans la cabine et lui enlevait toutes ces perles. Ses collègues lui disaient si tu ne dis pas à ta fille de vendre, tu va rentrer sans perles. En ce moment je travaillais déjà à la Soneb, mais la vente des perles était très rentable et je gagnais beaucoup d’argent. Mais je n’étais pas encore satisfaite parce que c’est vrai que c’est joli, c’est beau mais ce n’est pas de chez nous. Moi j’aime bien ma culture et j’ai toujours voulu valoriser ma culture.
Terre cuite en phase de transformation en perle 

Terre cuite en phase de transformation en perle 









Aujourd’hui comment tu te sens après  cette découverte ?

Depuis que j’ai découvert cette merveille, je ne vis que de ça. Au fait, c’est comme si je recherchais quelque chose depuis très longtemps et que je venais de trouver. C’est maintenant à moi de prendre le nouveau départ. Et je vous assure que la première création que j’ai eu à faire de ces perles, quand je l’ai porté,  j’ai eu vingt (20) commande sur le champ. C’est qu’il y a des trucs d’originalité que des gens recherchent depuis très longtemps. Et en plus j’ai eu la plus grande peur de ma vie parce que j’ai rencontré cette dame il y a trois ans et je lui dis que je vais revenir. Et quand je lui ai dis que je vais revenir, c’est parce que je voulais rapidement changer mon association, l’objectif, la vision et tout. Donc le temps que je ne puisse faire tout ceci, j’ai appris qu’elle a été malade et  elle a failli mourir et est restée à l’hôpital pendant un an et là j’ai pris la peur de ma vie et je me suis rapidement fais formé et j’ai commencé la promotion le plutôt. C’est cela qui nous a conduit au défilé du 10 décembre passé où j’ai présenté la première collection des perles en terre cuite. S’était précipité mais les gens on apprécié. Les autorités étaient présentes et franchement moi-même j’étais vraiment fière. C’est un défilé d’information à la population et de présentation des perles en terre cuite qui sont authentiques, original et qui sont de chez nous. Parce que je vous avoue que quand je voulais faire ce défilé je suis allée rencontrer le Directeur du Patrimoine Culturel, le Directeur du Développement Touristique. J’ai rencontré tous ceux qui tournent dans ce secteur mais ils ne connaissaient pas les perles en terre cuite. C’est triste. Les gens qui doivent faire ce genre de recherche n’existent pas vraiment. Et c’est nous qui sommes passionnés qui arrivent vraiment à le faire. La maison des perles est entrain de faire d’énormes découvertes. Bientôt vous allez apprendre des choses que vous n’avez jamais entendues, que vous ne savez même pas et qu’on délaisse pour rien du tout. Nous sommes presque tous acculturés. Il faut qu’on revienne à la source. La religion nous a abruti ça c’est vrai. Et on pense que ce n’est que les vodounons, les rois qui portent des perles. C’est faux. Ils sont encore les garants de notre tradition. C’est grâce à eux que nous avons encore une identité culturelle. Donc on devrait leur rendre hommage. C’est les seuls personnes qui sont entrain de valoriser notre culture. Eux-mêmes ils ne le connaissent pas encore et c’est grâce à moi qu’ils vont le découvrir parce qu’ils valorisent d’autres pays. Donc il y a tout cela qui me donne des soucis et je me dis qu’il faut que ça change. Donc bientôt il y aura une grande présentation pour les dignitaires. Présentation des bijoux en perles et s’ils veulent on peut même personnaliser ça pour eux.
Le modelage de la terre (Argile) avant la cuisson

C’est quoi cette irritation qui te prend quand tu commences par parler des valeurs endogènes ?

Ce qui m’irrite au fait, c’est parce que moi j’ai voyagé un peu partout et ce que moi je vois à l’extérieur c’est que c’est la culture qui développe un pays. Tant que le Bénin ne va pas connaitre la place de la culture, le Bénin ne sera pas développé. Parce que les autres pays comme la Chine se sont développés avec leur culture. Tu ne va jamais voir un chinois porté des choses d’un autre pays. C’est impossible. L’association a découvert des coquilles de petits  escargots qui poussent dans l’eau. J’ai acheté ça au marché et j’ai commencé par travailler ça et un jour j’en ai fait assez et j’ai porté  ça c’est alors que j’ai rencontré une dame qui maitrise les différentes perles que portent les adeptes du Vodoun qui me disait, êtes-vous une adepte vodoun ? je dis non pourquoi ? Elle me répondit parce que ce que vous portez là c’est pour les Tohossoussi (les adeptes du Vodoun Tohossou dieu des eaux). Je me suis rapprochée des adeptes de cette divinité qui m’ont dit que ce n’est pas cultuel.  Pourquoi on cherche à tout sacraliser en nous empêchant de valoriser notre culture. Valorisons les produits de chez nous pour le bon développement de notre pays.

Ton mot de fin ?

Le dernier mot c’est que la maison des perles a un nouveau né qui sont les perles en terre cuite. Il y a toutes sortes de création à savoir les colliers, les bijoux, les styles de stars et tout. Donc mieux vaut en profiter pour  se donner une fierté. Les perles en terre cuite c’est l’élégance et c’est être digne fils du Bénin.


Propos recueillis par Patrick Hervé YOBODE



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