mardi 28 mai 2013

Après sa disparition


Que peut-on retenir du Gentleman Vikey

Novembre 1944, alors que les troupes alliées lançaient leurs derniers contingents pour défaire l'armée hitlérienne sur tous les fronts, voyait le jour au Dahomey l’une des colonies françaises, celui qui allait devenir en si peu de temps une icône interplanétaire, Gustave Gbénou Vikey. Il naquît d’un père cultivateur pas trop disponible pour lui et d’une mère vendeuse au marché, dans ce qui était la sous-préfecture d'Athiémé, précisément du village Bopa, petite commune du sud-ouest du pays.

Elevé exclusivement par sa mère, Vikey était un petit garçon frétillant.  C’est donc un garçon assez curieux qui allait découvrir l’école  du blanc. A l'époque coloniale, l'école était presque gratuite. En 1950, quand il atteint l'âge de six ans, le petit Gustave, accompagné de sa mère, est inscrit à l'école primaire publique de Bopa. C'est là qu'il fera toutes ses classes avant d'obtenir son certificat d'études primaires en 1955. Une fois ce certificat décroché avec beaucoup d’abnégation, il obtient une bourse de l'éducation nationale. Gustave se retrouve au lycée Victor Ballot à Porto-Novo. C'est le plus grand établissement scolaire du Dahomey, là où est formée l'élite du pays. Le jeune Vikey, en régime d'internat, aime souvent se retirer les soirs d'insouciance, pour jouer à la guitare. Bientôt, avec ses camarades, il forme le premier orchestre de musique moderne du lycée. En avril 1960, après les congés de Pâques à Bopa, Gustave Gbénou emprunte une pirogue pour Sègbohouè d'où un train devrait le ramener à Porto-Novo. Pendant la traversée, raconte Gilles Salla son ami et producteur antillais, « il est subjugué par les scènes des piroguiers et des pêcheurs sur le lac Ahémé. L'âme poétique de l'élève en est flattée ». Il compose sa première chanson « sur le lac Ahémé ».  L'Etudiant admirait Aznavour et Brassens, mais… Le 1er août 1960, le Dahomey devient indépendant. Mais la tradition qui veut que les meilleurs élèves soient envoyés en métropole pour poursuivre leurs études, n'est pas abandonnée pour autant. C'est ainsi qu'après son bac, Vikey se retrouve en France le 2 septembre 1962, précisément au Havre où il s'inscrit à l'Ecole Supérieure de Commerce. En été de l'année d'après, il se rend à Paris, profitant des vacances pour travailler et se faire un peu d'argent. L'époque est dominée par les chansons de Brassens et d'Aznavour. A la radio, à la télévision, et même à l'Olympia - salle mythique de spectacles - il y en avait que pour les deux stars. Le jeune homme les admirait certes, mais il préférait ses propres compositions. Dans le bureau où il est engagé, Gustave chante à longueur du temps les chansons de son répertoire. Un fonctionnaire qui est dans le service, agacé de l'entendre ainsi, lui suggère d'aller faire une audition dans une maison de disques qui produit de la musique exotique. A la sortie, Vikey se rend à l'adresse indiquée, rue Richelieu. Celui qui le reçoit, un certain Gilles Salla, chanteur et également producteur aux studios Riviera, lui offre sa première chance. Subjugué, Salla découvre des airs étranges, gais et presque mièvres, mais enracinés dans les réalités du terroir africain. Il fait signer aussitôt à l'auteur un 45 tour. Mais pour le marketing, on abrège le nom et le prénom par leurs initiales GG, et on y ajoute Vikey. Gustave Gbénou Vikey amorça ainsi une carrière de pleine de 10 ans, mais qui feront de lui l’une des plus grandes figures de la musique africaine. Sur son premier disque, figurent quatre chansons : « Sur le lac Ahémé », « Le Mal du pays », « Ma petite Jeanne », « Laisse-moi t'embrasser ». Mais de tous ces morceaux, c'est « Sur le lac Ahémé » qui est plébiscité. L'accueil au Dahomey et dans la communauté noire de Paris est enthousiaste. L'année qui suit, c'est-à-dire en 1964, la jeune vedette passe à la vitesse supérieure avec un super 45 tour, l'inoubliable disque « gentleman Vikey », l'album de tous les records. En fait, « gentleman Vikey » est une composition d'un musicien nigérian Bobby Benson intitulé « gentleman Bobby ». Bobby était à l'époque un grand musicien, chef d'orchestre (Bobby Benson and his Combo) qui a imposé le High life nigérian. En reprenant le morceau fétiche « gentleman Bobby », Vikey lui donne une connotation particulière, faisant de son personnage l'éternel séducteur que s'arrachent les femmes. L'album est numéro 1 au hit parade africain, de 1965 à 1968 ! Un album a succès qui lui permettra au jeune étudiant de s'offrir un voyage sur sa terre natale. Héros d'une musique populaire, ses retrouvailles avec le Dahomey seront ponctuées de concerts aussi bien à Cotonou, à Porto-Novo qu'à Lomé. Désormais, ses fans se recrutent un peu partout en Afrique. Après le Havre, et Toulouse, Vikey poursuit ses études à l'Ecole Supérieure de Commerce d'Amiens où il obtient son diplôme en 1967. Entre-temps, il enregistre son troisième album « vive l'Afrique », puis un quatrième « Vive les vacances », puis un cinquième « va-t'en donc ». A l'époque, les rythmes dominants en Afrique étaient le High life ghanéen, la rumba congolaise et le calypso caribéen. GG Vikey était partagé entre ces trois rythmes. Fallait qu'il trouve le juste milieu ou alors les adapter à sa musique. Il fera le choix du High life à la sauce dahoméenne. Un rythme en deux temps, battu par une tumba, joué par petites touches avec parfois de petits roulements. En fond sonore, des notes d'accompagnement que domine, de temps en temps, la guitare solo. Dans toutes ses compositions inoubliables, GG Vikey y déploie son talent d'observateur attentif de la vie quotidienne de l'Afrique profonde. Une Afrique dont il exalte les valeurs et les multiples facettes. Si le musicien est un observateur attentif de son milieu, il reste, avant tout, un militant de la cause noire. Bien même avant d'aller en France et de s'inscrire dans le courant de pensée des poètes de la Négritude, GG Vikey célèbre déjà les valeurs de la civilisation africaine, contrairement au négationnisme de l'Afrique que prône la colonisation. Arrivé en France, ce sentiment se renforcera par la lutte que mènent les intellectuels, les écrivains et les artistes de la diaspora. D'ailleurs, il insiste pour qu'on mette sur ses premières pochettes le surnom de « chantre de la négritude ». C’est d’ailleurs ce qui justifie cette connotation de ses chansons qui prennent en comptent souvent les maux qui minent l’Afrique Noire. Mais dans toutes ces chansons, il y a toujours en arrière plan, des préoccupations politiques. L'artiste aborde des thèmes graves comme la décolonisation de l'Afrique, l'apartheid dont le continent, en sa partie australe, était encore l'objet. Avant tous les artistes, GG Vikey avait chanté la roue qui tourne. Mais le thème récurrent de GG Vikey, c'est l'Afrique positive, les paysages enchanteurs, les joies, les peines, toutes les étapes de la vie : de la naissance à la mort, en passant par le mariage. Tout le monde se reconnaît dans ses chansons et dans ses textes. Les familles ont adopté « Dieu te bénisse » pour le baptême de leurs nouveau-nés. Dans les cérémonies de mariage, on joue « vive les mariés ». Les mères, pour endormir leurs enfants, fredonnent « la berceuse du Mono ». Pour tourner en dérision les vantards et les grands bouffis de ce monde, on chante volontiers « Vikey est mort ». Les révolutionnaires, eux, ont élu « la roue tournera » comme leur hymne. Bref, une variation de thèmes et d'inspiration qui est parvenue à emporter l'adhésion de tous. De 1964 à 1974, GG Vikey a sorti six 45 tours, un trente tour avec une quarantaine de chansons. Mais le héros va vite se taire. Prolifique dans sa jeunesse, très inspiré pendant ses années d'études, Vikey va progressivement arrêter son rythme de composition en même temps que ses apparitions en public. Il a fait des études de commerce et de comptabilité. Engagé à la fonction publique en juin 1968, il commence à occuper des postes de responsabilité dès 1970. Notamment comme Chef contrôle des prix au ministère des finances, puis chef de production industrielle. Directeur général de la Loterie Nationale, directeur d'un grand hôtel appartenant à l'Etat, puis directeur des loisirs au ministère du même nom. Désormais, il est un haut fonctionnaire de l'Etat, obligé, semble-t-il, de tenir son rang. Mais on raconte aussi que des problèmes personnels liés notamment à sa vie de famille, lui ont sapé le moral et éloigné du monde musical. GG Vikey devient sombre, enfermé sur lui-même et solitaire. Bien vite, on le soupçonne de dépression. Il redevient un simple fonctionnaire du ministère de l'économie affecté dans les poussières d'un bureau où on l'appelle « doyen ». Des producteurs tentent de l'arracher à l'anonymat et lui proposent des remakes de ses anciens morceaux. Des remakes faits avec des instruments à vent, et sur des rythmes « cavacha » à la congo-zaïroise. Malgré des prestations honorables, son nouveau disque ne soulève pas les foules. Il semble que le héros ait déjà tout dit. C'est alors qu'il fut admis à la retraite. Le répertoire de GG Vikey est une mine d'inspiration pour la nouvelle génération de chanteurs et musiciens béninois. Certains morceaux sont devenus carrément des classiques, objets de reprises et de réadaptations des artistes d'ici et d'ailleurs. Si Poly Rythmo, l'orchestre légendaire des années soixante dix et quatre-vingt, a repris « la berceuse du Mono » sous le titre de « toutou gbovi », Angélique Kidjo portera à l'internationale le même morceau mais en a capella sur son album Voodoo Child. Les H2O, quant à eux, produiront une version hip hop de « davi », tandis que le groupe Akpouké s'appropriera « no ahué » dans un style High life plus moderne. Même la fanfare de la gendarmerie nationale reprend régulièrement ses chansons lors des défilés militaires. Alors que les musiciens qui se retirent de la scène sont oubliés de la mémoire collective, GG Vikey, lui, avec les années, acquiert de la dimension et une stature de plus en plus grande. Un peu partout en Afrique, aux Antilles, en France, le héros est régulièrement invité. Pour recevoir les compliments, les prix et les trophées des mélomanes qui lui rendent encore hommage. Il reste tellement de choses à dire au sujet de ce grand fils du Dahomey, mais nous nous limiterons à ces quelques lignes.

DEUX CHANSONS CULTE DU GENTELMAN VIKEY

Refrain 

Qu’il est gai de voguer /Sur le lac Ahémé/Quand le temps est serein/Fredonnant un refrain I I-Sur l’eau calme et limpide/ La barque va très vite/ Un soleil éclatant/Apparait au levant/ Les pêcheurs enjôlés/ Déployant leurs filets /Entonnent des chansons/Capturent les poissons
 

II-Un charmant paysage/ Se voit depuis le large /Une verte cité /Encadre l’Ahémé
 

Plusieurs arbres fruitiers/ Palmiers et cocotiers/Forment un grand royaume/ Qu’ils couvrent de leur dôme
 

III-Au loin, Bopa tout calme/Disparait rame à rame/On entend plus ces bruits/Il semble qu'il nous fuit/
 

Le rivage opposé/ Semble nous espérer/Des baigneurs, par leurs cris/Semblent nous accueillir
Gentleman Vikey 

I-Je suis le gentleman Vikey GG / J’aime beaucoup voyager/ Et je chante partouT/ Les merveilles de l'Afrique/

L'Afrique est un grand pays/Le soleil brille tous les jours/Et moi je m’y promène/La guitare sous le bras
 

Refrain
 

Attention ! Surveillez vos femmes/Attention ! Surveillez vos filles /Quand elles entendront mon calypso /
 

Vos filles me suivront tous les jours
 

II-Je pince les cordes de ma guitare/Une dame vient m’embrasser/Son mari un ami/Me regarde méchamment
 

Mais la dame est amoureuse de moi/Elle n'a d'yeux que pour moi/Elle dit à son mari/Coquin je ne veux plus de toi
 

III -Mais moi je suis un gentleman/Au lieu de vous faire pleurer/Je préfère semer/La joie dans tous les coeurs
 

Je réconcilie les époux/Et je leur dis adieux/Je pars pour d'autres lieux/ Pour d'autres aventures/Pour d’autres aventures
Refrain : Surveillez vos femmes attention/ surveillez vos filles/ quand elles entendront mon calypso vos filles me suivront tous les jours.

Patrick Hervé YOBODE/ Source : Khadhormedia


















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