mercredi 25 février 2015

Interview avec Eric Orphé Gnikpo,

‘’3 L Ifèdé est un gage de combat et traduit mon amour pour la culture béninoise’’

Acteur culturel engagé, il est un jeune pétri de talent et très dense dans les domaines des arts et de la culture. Connu pour son talent dans le théâtre, la danse et le cinéma, Eric Orphé Gnikpo s’est fait formé dans plusieurs hautes écoles des arts en France, comme l’école de théâtre Eponyme. Il a été recruté à l’école française Montaigne pour former les élèves dans plusieurs secteurs des arts et de la culture. Ici comme en France il aura partagé ses connaissances et ses expériences avec la jeune génération, pendant plus d’une dizaine d’années. Eric Orphé Gnikpo, très ambitieux et très pragmatique poussé par son amour pour la culture béninoise, vient de doter son pays d’un grand ensemble artistique et culturel dénommé 3 L Ifèdé. Depuis un peu moins de trois ans, cet ensemble fait son petit bonhomme de chemin. Dans cette interview, il nous parle de son absence, des 3 L Ifèdé et de quelques créations et finit par lancer un appel au Fond d’aide à la culture et aux mécènes pour donner vraiment corps à ses rêves.

Eric Orphé Gnikpo

Présentez-vous aux lecteurs du journal ?                                        

Eric Orphé Gnikpo, acteur culturel béninois. Fondateur du Complexe artistique et culturel 3 L Ifèdé.

Oui acteur culturel engagé, on vous a connu par le passé, mais à un moment donné, vous avez disparu des radars, du théâtre, du ballet. Qu’est-ce qui justifiait cette disparition ?

Vous savez que dans le domaine artistique, il y a plusieurs corps de métiers. Et moi je fais partie de ceux qui pensent que la formation est capitale. Donc mon gros souci à l’époque était de partager mes connaissances, je ne voulais pas être celui là qui donnait spectacle pour que les autres viennent voir. Je voulais libérer mes modestes expériences à la génération future. Ce qui a fait qu’à l’époque j’ai accepté un contrat suffisamment lourd que j’ai trouvé à l’école française Montaigne. Et comme on le dit chez nous, ‘’l’artiste n’a pas de salaire’’, mais si ton travail te permet d’avoir un salaire quelque part, il ne faut pas le négliger. Donc j’étais engagé à Montaigne et j’y suis resté pendant plusieurs années avec chaque année plus de 400 élèves à coacher. J’étais là donc pratiquement tous les jours et quand tu finies les cours, ce n’était pas la joie, tu n’as plus envie de faire autres choses. Aussi ça avait commencé petitement, c’est-à-dire d’une heure d’essaie on est passé à 2 heures, 3 heures et ainsi de suite jusqu’à se retrouver à plus de 18 heures par jour. C’était vraiment costaud.  Et quand tu finies l’année, d’autres écoles se retrouvant dans le même réseau  que Montaigne et dont les directeurs ont eu écho de mes compétences dans le secteur, du théâtre, du ballet et du cinéma, me font appel. J’allais régulièrement en France pendant les congés et les vacances, pour donner des cours dans ces matières dans plusieurs écoles. Voilà ce qui justifiait cette disparition de plus d’une dizaine d’années des planches et autres scènes.

Beaucoup vous connaissaient en effet, très talentueux, mais plus de 10 ans d’absence, il y a 
forcément une ou deux générations d’artistes après la vôtre qui se diront d’où sort-il lui. C’est ici le lieu de revenir brièvement sur votre parcours non ?

Oui tout a fait. Nous avons fait nos armes dans plusieurs compagnies théâtrales à l’époque et après au fil des années nous avons fait assez de collaborations. Mais les gens m’ont plus connu sous la bannière de la troupe de Ballet Djolokoko. Il faut dire que mon arrivé au ballet s’était opéré de façon banale. J’étais en effet, sur un projet du grand frère Eric Hector Hounkpè, aussi mon professeur dans une université privée de la place à l’époque. Ce dernier dans ce qu’il m’a confié, voulait quelques pas de danse, mais il voulait pour cela un professionnel du domaine. Je lui avais dit plusieurs fois que pouvais faire ce qu’il voulait, hors en ce temps là je n’avais même pas encore connu la troupe de ballet, je n’aimais même pas ce milieu. Par finir, il me laissa et j’avais réussi ce qu’il voulait. De là, je me suis dis tien, le grand frère pouvait me demander davantage à tout moment. C’est donc dans cet ordre d’idée que j’ai intégré la troupe de ballet et très rapidement ça avait pris. J’étais dans les premiers rôles, j’étais sur toutes les scènes et partout. Donc en réalité c’est Eric Hector Hounkpè qui m’a poussé vers la danse et le ballet, sans le savoir. J’étais très talentueux et très sollicité, mais très effacé parce que c’est ma nature.

Ce talent enfoui qui sommeillait en vous, vous poussera des années plus tard à doter le Bénin d’un grand complexe culturel, de quoi s’agit-il ?

C’est vraiment vaste hein, je suis très ambitieux. La troupe de ballet qui est aujourd’hui plus reconnue fait partie d’un grand ensemble, le Complexe artistique et culturel 3 L Ifèdé. Ce complexe comprend plusieurs sections dont : le ballet, le théâtre, le cinéma et autres. Cinéma parce qu’en France j’ai suivi des formations dans ce domaine et à Montaigne je m’occupais de cela aussi, avec chaque année au moins deux productions école. Mais au sein des cinéastes béninois il serait difficile de me compter, parce qu’ici on ne me connait pas ce côté. Ce complexe est né des suites d’un voyage à Lausanne en Suisse où j’étais sur un festival. Parmi la trentaine de pays, seul l’Afrique du Sud était le pays qui représentait l’Afrique. J’ai eu alors la chance de collaborer et de travailler avec des volontaires et les organisateurs sur ce festival. Ayant été membre de l’encadrement du ballet national et voyant ce qui se déroulait sur ce festival, l’idée de fonder un grand ensemble à germer en moi. Puisque ici nous avons tout, il y a des danseurs, des hommes de théâtre, des percussionnistes, etc. ce qui nous manque jusque là, c’est des acheteurs de spectacles. Ce réseau de professionnels qui nous permettra de mieux vendre nos productions à l’extérieur. Donc depuis là-bas j’ai pris contact avec des amis ici, dont Sakpata Zogbo et à mon retour, en décembre 2011, le Complexe artistique et culturel 3 L Ifèdé a vu le jour. Le contexte et le milieu sont difficiles, mais on se défend.

Alors pourquoi 3 L Ifèdé ?

Ce nom parce que mon premier geste avait donné des triplettes. Trois filles, Luxe, Lucette et Lucia, mais malheureusement. Donc hommage à elle et pour moi c’est une manière de les immortaliser. Et chaque fois que j’entends 3 L Ifèdé sortir de la bouche de quelqu’un je me dis qu’elles sont toujours là. Ifèdé qui veut dire l’amour est né est le nom de celui qui a suivi les jumelles, voilà pourquoi 3 L Ifèdé. Pour moi aussi ces trois filles représentent le conseil d’administration et moi je leur rends compte et c’est connu dans le groupe, c’est purement spirituel ce que je dis là mais c’est une réalité. 3 L Ifèdé traduit aussi pour moi mon amour pour la culture béninoise et c’est en même temps un gage de combat qui me permet de m’éloigner petitement de cette grande école qui me prenait tout mon temps. Sauf que le directeur de Djolokoko m’avait prédit cela, il disait, Orphé tu en arriveras à créer et à diriger un grand ensemble, je n’y croyais pas mais…

3 L Ifèdé au bout de 2 ans d’existence, ça fait combien de créations dans l’ensemble ?

Il y a la section théâtre qui n’a pas encore créé un grand spectacle, mais qui rompt le silence quand nous invite sur des manifestations. En ce qui concerne le ballet il est beaucoup plus présent avec par an plus de 70 animations. En 2013 nous étions sur le festival Radar acte I au Burkina Faso avec notre première création ‘’Sillons Tortueux’’ fait de théâtre et de danse. Présenté au café des arts, cette création a été achetée par les Sœurs Salésiennes et nous l’avons joué plus d’une vingtaine de fois, dans les quartiers, puisque c’est un théâtre de sensibilisation, un théâtre forum. Un spectacle qui a bien tourné. Nous étions également avec d’autres délégations béninoises sur un festival en Cote d’Ivoire. Après cela nous avons créé ‘’Tanougou’’ et actuellement nous sommes en pleine création d’un autre spectacle intitulé ‘’ Ilé Orisha’’, qui est essentiellement basé sur nos valeurs endogènes. Ce n’est pas une création élitiste, mais un théâtre africain très vivant où le public est impliqué dans le spectacle. Ayant fait des années de formation en théâtre à l’école Eponyme de Paris, j’ai été convaincu que nous n’avons rien à vendre aux autres peuples que notre culture. Donc ‘’Ilé Orisha’’ est déjà acheté et sera au Togo, au Burkina Faso et en juin au Congo.il nous faut maintenant que le fond d’aide nous appui pour nous permettre d’aller de l’avant.

Un mot pour conclure cette interview ?

Ce serait d’abord remercié mes collaborateurs et mes ainés Koffi Adolphe Alladé, Stanislas Dégbo, Marcel Zounnon et autres, qui me soutiennent et qui m’associent aux événements. Merci aussi à ces agences de communication qui nous font confiance et qui travaillent avec nous. Je finirai par un appel aux mécènes et aux bonnes volontés de nous aider, car on ne peut pas tout faire tout seul et aux 3 L Ifèdé, nous faisons toutes les danses du Bénin, donc c’est du lourd, il nous faut des moyens. Pour finir, un grand merci à notre journal l’Informateur, à son DG et à tout son personnel.

Propos recueillis par Patrick Hervé YOBODE   
                          






                                                         

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