Alokpon ne vivra désormais qu’à travers ses œuvres et sa relève
Le palais des sports de Kouhounou a accueilli, le vendredi dernier, la
dépouille mortelle du roi du tchinkounmin. La Nation béninoise avait donné
rendez-vous à ses filles et fils pour rendre un dernier hommage à cet autre
digne fils, qu’aura été dans plusieurs domaines, Anatole Hountchédé Houndeffo. Après
ces honneurs du Bénin Alokpon a été conduit à sa dernière demeure à Ouèssè son
village natal.
C’en est définitivement fini, l’âme
du roi du tchinkounmin repose désormais en paix dans son Ouèssè natal. Anatole
H. Houndeffo, né le 02 septembre 1940 et décédé le 24 juin de cette année,
Alokpon aura été depuis l’âge de 13 ans jusqu’à sa mort, le porte flambeau du
rythme traditionnel tchinkounmin et de la culture béninoise. Producteur agricole
hors pair, ayant foi en la terre nourricière et maîtrisant les rouages d’ensemencement
de plusieurs cultures vivrières, il a emblavé à sa mort plus de 130 hectares de
terre. Fort de ce qu’Alokpon aura été, pour le Bénin, sur le plan culturel et
agricultural, il a été fait chevalier de
l’ordre Agricole du Bénin et chevalier du mérite Sociale. C’est donc tout
naturellement que la république, se
devait de lui rendre hommage à sa mort. C’est
donc ce qu’a fait au nom de la nation le ministre Jean-Michel Hervé B.
Abimbola, accompagné pour l’occasion de son homologue garde des sceaux Valentin
Djènontin. Les honorables députés, Valère Tchobo et Edmond Agoua natifs de la
région Mahi n’ont pas manqué à l’appel. Devant un parterre impressionnant d’artistes,
de personnalités, de la presse nationale et internationale, Alokpon a reçu les
honneurs du Bénin. Une cérémonie faite de chants, de danses, de souvenirs
vivaces de l’illustre disparu et d’oraisons funèbres. Au cours de cette
cérémonie, un film documentaire réalisé par Claude Balogoun conseiller au CES
et patron de Gangan Productions, sur la vie de l’artiste, a été projeté. Dans
ce documentaire, le roi du tchinkounmin a fait la genèse du rythme
tchinkounmin, de comment il l’a modernisé à sa manière en y ajoutant d’autres
formes de gongs et d’autres instruments musicaux traditionnels. Son amour pour la terre n’a pas été omis. Il raconte
comme il a passé toute sa vie à cultiver la terre, sans jamais utiliser les
produits chimiques (engrais), mais toujours avec d’excellentes récoltes chaque
saison. Du coton, au manioc, du haricot, au soja, du maïs, aux ignames, du
sorgho, au mil en passant par d’autres céréales, Alokpon aura tiré de la terre
à laquelle il retourne tout ce qu’elle comporte de biens. Un exemple pour la
jeunesse et ces milliers d’agronomes béninois sans emploi, car le roi Alokpon n’a
jamais mis pieds à l’école, mais il s’y connait dans le domaine, plus que tous
ces cadres qui sont incapables de développer ce secteur porteur au Bénin. Après
ce vibrant hommage, le cortège funèbre s’ébranla vers Savalou, où son âme
repose désormais en paix plus précisément à Ouèssè.
Bref aperçu du rythme Tchinkounmin
Rappelons d’entrée, que la
pratique et l’exécution du tchinkounmin restent et demeurent la panache des
savalois. Tiré du Zinli, rythme funèbre d’Abomey (Danxomè), le tchinkounmin,
qui a pour géniteur, Adisso était aussi joué lors des cérémonies funéraires. Au
fil du temps, ce rythme qui était fait de la gourde (Gotta), de gongs, de
castagnettes, se modernisa. D’abord pas Adisso, dont une statue a été érigée à
quelques mètres du palais royal de Savalou avec sa gourde et ensuite par
Alokpon. Ce dernier qui a été bercé par ce rythme, prend contact avec lui déjà
à l’âge de 13 ans. Commença alors une histoire d’amour entre lui et le
tchinkounmin. Il le modernisa à sa manière, en y ajoutant plusieurs autres instruments,
avec une autre approche dans l’exécution du rythme. Pendant plus de 50 ans, il
l’a façonné et refaçonner. Il est aussi celui là par qui, le rythme
tchinkounmin est répandu d’abord au Bénin et hors des frontières béninoises.
Les béninois de la diaspora,
ressortissants de Savalou, le pratique dans tous les pays du monde. C’est du
tchinkounmin que Stan Tohon a tiré plus tard le Tchink system. Alokpon demeure
même après sa mort le maître incontestable et incontesté du Tchinkounmin.
Alokpon a-t-il préparé une relève ?
Nous l’avons, dit plus haut, le
Tchinkounmin est pour le savalois, ce que le Zinli est pour l’aboméen. Alors,
on comprend aisément que plusieurs artistes de Savalou et régions pratiquent le
Tchinkounmin. Ils sont très nombreux. Mais dans cette pléthore, l’artiste qui
se distingue déjà du vivant du roi Alokpon, est bel et bien Gbèzé. Ce dernier
revendiquait déjà, du vivant du vieux lion, sa place de prince dans l’arène de
ce rythme traditionnel. Et à la mort du roi Alokpon, les regards étaient
tournés réellement vers lui. Erreur. Le tchinkounmin a encore de profondes
racines dans la famille Houndeffo. Car l’un de ses enfants, Dèffodji (sur les
traces de son père) du vivant du vieux, mais désormais Alokpon à la mort de ce
dernier a surpris son monde le vendredi dernier avec ses frères et sœurs. Lui
aux chants, un de ses grands frères batteur
de la gourde, les uns aux gongs, les autres aux castagnettes, ils ont
démontré de fort belle manière que pour longtemps encore la famille Houndeffo
fera parler d’elle dans l’exécution de ce rythme. Avec 4 femmes et 24 enfants,
le roi Alokpon aura laissé une progéniture fortement ancrée dans les réalités
traditionnelles savaloises, dans le tchinkounmin et dans l’agriculture. Du timbre
vocal, à la danse, de l’improvisation, à l’exécution du rythme, on aurait dit
que c’est le roi Alokpon qui prestait. Ceci dénote, de l’intelligence de l’homme
et du travail combien énorme qu’il a abattu, pour une relève de qualité,
contrairement à ses pairs, Yédénou Adjahoui et Dossou Lètriki, qui c’en sont
allés avec le bon Massègohoun. Salut l’artiste et que la terre que tu as tant
aimé te soit légère.
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