vendredi 2 août 2013

Ousmane Alédji à propos de la révision de la Constitution et de l’affaire tentative d’empoisonnement et coup d’Etat


‘’Non, je ne crois pas que le moment soit approprié, mais la période de clochardisation que nous traversons et l’être humain qui est clochardisé peuvent nous conduire là’’

(Les grondements sont graves et quand on passe l’étape des grondements, ça devient de l’explosion).

Ousmane Alédji Artiste et Promoteur culturel
Une fois encore, le Bénin, son paysage politique et toutes les sphères de société se confrontent comme en 2005 à l’épineuse question de la révision de la loi fondamentale du pays. Défrayant la chronique  donc le débat sur la révision de la constitution du 11 décembre 1990, ne semble pas beaucoup trop intéressé  l’opinion. Seulement, les passions se déchainent ça et là. Beaucoup de citoyens, du moins les plus avertis sont attendus sur la question, il nous a plu d’aller recueillir l’avis d’un homme de culture. Ousmane Alédji, promoteur culturel, fondateur de l’espace Arttisttik Africa, de sa position de culturel, nous donne son point de vue sur les sujets qui semble-t-il risque de conduire le Bénin dans le gouffre.    

Le Bénin par ces temps traverse des moments difficiles, la crise économique étant passée par là avec ses corollaires, tout le monde se plaint, selon vous qu’est-ce qui ne va pas au juste dans ce pays là ?

Ce qui ne va pas, je crois se sont les hommes qui ont des problèmes, avec les choix qu’ils opèrent, les orientations qu’ils se donnent, avec aussi leurs façons  d’être et de se déployer dans le pays. Nous ne savons plus reconnaitre quelqu’un par ce qu’il dit ou par ce qu’il fait. L’homme est devenu tellement changeant, qu’il est plus qu’un caméléon aujourd’hui. On passe du vert au jaune, du jaune au rouge, du rouge au blanc et du blanc au noir et c’est la même personne qui fait toutes ces couleurs là. C’est ça le problème je crois.

Alors pensez-vous que le pays compte aujourd’hui assez de cadres godillots, qui ne veulent pas voir de façon claire ce qui mine le développement de ce pays ?

Bien entendu, dans ce pays il y a aussi des brebis galeuses. Il y a certaines personnes, malheureusement le plus grand nombre, en tout cas ceux qu’on entend le plus ; ceux-là sont des acclamateurs, des chanteurs, des danseurs, des marcheurs. Il y a que la tendance au suivisme aujourd’hui est plus accentuée, qu’il y a quelques temps. Nous traversons une période de clochardisation de tout, tout est clochardisé. L’esprit est clochardisé, l’intelligence est clochardisée, le savoir, le savoir-faire, les compétences, sont clochardisés, l’humain est clochardisé. Vous Voyez des gens à vous demander mais qu’est-ce qu’ils ont tous ces Messieurs et Mesdames pour lesquels, nous vouons un saint respect, qu’est-ce qui leur arrive. Comment peut-on être aussi changeant du jour au lendemain, cela est dommage.

Par rapport à cette clochardisation, de votre position de culturel expérimenté, est-ce que le moment est bien choisi pour parler de la révision de notre loi fondamentale ?

Merci d’abord à vous d’aller nous voir parce que ce n’est pas souvent qu’on va voir les acteurs culturels pour leur demander d’émettre un avis sur un sujet politique de cette importance ou de cette délicatesse on va dire. Non, je ne crois pas que le moment soit approprié, ou que le contexte actuel soit favorable à un tel débat ou il y a trop de tensions, trop de récriminations. Oui il faut le dire comme ça, trop de violence tue. Car ce n’est pas parce que les gens ne parlent pas qu’ils ne sont pas en colère. Il y a mille façons de dire non, de ne pas accepter. Les grondements sont graves et quand on passe l’étape des grondements, ça devient de l’explosion. Donc dans ce contexte là, le débat sur la révision de la Constitution me semble inopportun. Cela dit, je crois aussi que la Cour Constitutionnelle avait tranché la question, je pense qu’une décision était prise qui disait que le consensus avait valeur constitutionnelle. Alors s’il doit avoir révision que l’on travaille à avoir le consensus autour et que le débat se fasse, mais passer en force ou essayer de passer en force, est une fois encore me semble-t-il maladroit. Ce n’est pas le moment du tout.

Mais ce passage en force se confirme davantage, parce que le chef de l’Etat l’a réaffirmé devant les diplomates, haut et fort qu’il se doit de toucher à la Constitution béninoise, qu’est-ce que vous lui conseiller en tant que citoyen ?

Ousmane Alédji
Je pense justement en tant que citoyen, que nul n’est au dessus de la loi et que se sont les lois de la République qui ont consacré la cour constitutionnelle et qui ont dit que ses décisions s’imposent à tout le monde et qu’elles sont sans recours. Donc tout le monde doit se soumettre à la loi y compris, le chef de l’Etat. Maintenant, s’il met en place des mécanismes de contournement et qu’il y arrive, il y serait arrivé avec notre complicité et notre consentement. Je pense même que la nécessité de réviser la Constitution n’est pas le débat, ce n’est là la question. Il me semble que la vraie question, c’est une question de confiance, jusqu’où l’autre peut aller dans cette entreprise là. Je pense que les gens ne sont pas en confiance. Sinon je ne crois pas qu’on ne dit pas que la Constitution est divin et relève du sacré, qu’il ne faudra jamais toucher. Je crois que c’est ça le débat. C’est un débat de confiance. C’est dire, sommes-nous prêts à y aller, tout en faisant confiance les uns aux autres et jusqu’où sommes-nous disposés à aller. Est-ce qu’à la fin on ne va pas se faire avoir ? Est- ce qu’en ce moment là il ne serait pas déjà trop tard ? Et si jamais c’était trop tard comment faire pour revenir en arrière ?  Pourrions-nous contenir après les déconvenues ou les conséquences de ces excès là ? C’est ça le débat. Je souhaite que ça ne soit pas non plus un sujet de distraction, parce qu’on peut en faire un sujet de diversion comme c’est déjà le cas et isolés les gens des vraies préoccupations des populations béninoises. Tout cela dit, je répète encore une fois que le problème du Bénin, c’est encore une fois le béninois. Je suis peiné de voir qu’elle valeur l’argent a aujourd’hui au Bénin. Comment des gens de talents, de grandes compétences, pour les quels on a le plus de respect, s’avilissent, s’aplatissent devant le diktat de l’argent. Tout cela m’attriste et je ne parle pas aux citoyens lambdas, simples, je parle à des gens qui, au demeurant pour nous étaient des références, des valeurs morales qui avaient parole dans ce pays. Mais quand vous les voyez aujourd’hui, vous vous dites, lui aussi ? On n’arrête pas de dire lui aussi, lui aussi, c’est dommage. C’est l’ère de la clochardisation de tout et cela est très dommage pour le pays.

Toujours dans l’actualité, un autre sujet défraye la chronique, l’affaire tentative d’empoisonnement et coup d’Etat, Patrice Talon et Olivier Bocco toujours poursuivis et dont on attend de la France une probable extradition, votre réaction, peut être un pardon on ne sait jamais à l’endroit du chef de l’Etat ?

Encore une fois, sans préjuger de qui est coupable, de qui ne l’est pas, de quelle décision est juste ou fausse, j’appelle les uns et les autres au respect de la loi. Le respect de nos juridictions d’ici et de notre justice. J’ai cru comprendre à travers la presse et les réseaux sociaux que nos juges sont persécutés et menacés, cela est indéfendable dans une démocratie. Après sur le sujet même j’attends la dernière décision de la cour de cassation pour émettre un avis public, mais laissons la procédure aller jusqu’à son terme. Cela dit, je pense que nous ne saurions jamais, nous autres citoyens lambdas, la réalité de la querelle entre Messieurs Talon et Yayi.  Nous sommes tous témoins de ce que ce Monsieur, du poids qui a été le sien dans l’élection du président en 2006 et dans sa reconduction en 2011. Donc on va dire, c’est des querelles de famille, sachons nous garder et de nous mêler de cette affaire là. Moi qu’il s’appelle Talon ou Tartempion ; j’ai le sentiment qu’il connait mieux le président de la République que nous autres et que si les deux n’arrivent plus à s’entendre, c’est leurs affaires. Maintenant mêler la République à cette querelle de copains et de famille, cela me dérange et cela ne rend pas non plus service à l’image du pays. Notre pays ne devrait pas être réduit à ces petites querelles là, à ces débats de couloir et d’intrigues. Mais respectons la loi, que tout le monde se soumette à la loi. Moi  à la limite je m’enfiche de ce que dira la justice française. Je ne suis pas français, je n’ai pas envie de l’être. La justice béninoise pour moi, est la meilleure de toues les justices du monde et la première de toutes, puisqu’elle s’applique à moi-même. Donc voilà, qu’on soit chef de l’Etat ou citoyen simple, je crois qu’on doit laisser la justice s’exprimer dans toute sa plénitude.


Propos recueillis par Patrick Hervé YOBODE


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