‘’Non, je ne crois pas que le moment soit approprié, mais la période de clochardisation que nous traversons et l’être humain qui est clochardisé peuvent nous conduire là’’
(Les grondements sont graves et quand on passe l’étape des grondements, ça devient de l’explosion).
Ousmane Alédji Artiste et Promoteur culturel |
Une fois encore, le Bénin, son paysage politique et toutes les sphères
de société se confrontent comme en 2005 à l’épineuse question de la révision de
la loi fondamentale du pays. Défrayant la chronique donc le débat sur la révision de la constitution
du 11 décembre 1990, ne semble pas beaucoup trop intéressé l’opinion. Seulement, les passions se
déchainent ça et là. Beaucoup de citoyens, du moins les plus avertis sont
attendus sur la question, il nous a plu d’aller recueillir l’avis d’un homme de
culture. Ousmane Alédji, promoteur culturel, fondateur de l’espace Arttisttik
Africa, de sa position de culturel, nous donne son point de vue sur les sujets
qui semble-t-il risque de conduire le Bénin dans le gouffre.
Le Bénin par ces temps traverse des moments difficiles, la crise
économique étant passée par là avec ses corollaires, tout le monde se plaint,
selon vous qu’est-ce qui ne va pas au juste dans ce pays là ?
Ce qui ne va pas, je crois se
sont les hommes qui ont des problèmes, avec les choix qu’ils opèrent, les
orientations qu’ils se donnent, avec aussi leurs façons d’être et de se déployer dans le pays. Nous
ne savons plus reconnaitre quelqu’un par ce qu’il dit ou par ce qu’il fait.
L’homme est devenu tellement changeant, qu’il est plus qu’un caméléon
aujourd’hui. On passe du vert au jaune, du jaune au rouge, du rouge au blanc et
du blanc au noir et c’est la même personne qui fait toutes ces couleurs là.
C’est ça le problème je crois.
Alors pensez-vous que le pays compte aujourd’hui assez de cadres
godillots, qui ne veulent pas voir de façon claire ce qui mine le développement
de ce pays ?
Bien entendu, dans ce pays il y a
aussi des brebis galeuses. Il y a certaines personnes, malheureusement le plus
grand nombre, en tout cas ceux qu’on entend le plus ; ceux-là sont
des acclamateurs, des chanteurs, des danseurs, des marcheurs. Il y a que la
tendance au suivisme aujourd’hui est plus accentuée, qu’il y a quelques temps.
Nous traversons une période de clochardisation de tout, tout est clochardisé.
L’esprit est clochardisé, l’intelligence est clochardisée, le savoir, le
savoir-faire, les compétences, sont clochardisés, l’humain est clochardisé. Vous
Voyez des gens à vous demander mais qu’est-ce qu’ils ont tous ces Messieurs et
Mesdames pour lesquels, nous vouons un saint respect, qu’est-ce qui leur
arrive. Comment peut-on être aussi changeant du jour au lendemain, cela est
dommage.
Par rapport à cette clochardisation, de votre position de culturel
expérimenté, est-ce que le moment est bien choisi pour parler de la révision de
notre loi fondamentale ?
Merci d’abord à vous d’aller nous
voir parce que ce n’est pas souvent qu’on va voir les acteurs culturels pour
leur demander d’émettre un avis sur un sujet politique de cette importance ou
de cette délicatesse on va dire. Non, je ne crois pas que le moment soit
approprié, ou que le contexte actuel soit favorable à un tel débat ou il y a
trop de tensions, trop de récriminations. Oui il faut le dire comme ça, trop de
violence tue. Car ce n’est pas parce que les gens ne parlent pas qu’ils ne sont
pas en colère. Il y a mille façons de dire non, de ne pas accepter. Les
grondements sont graves et quand on passe l’étape des grondements, ça devient
de l’explosion. Donc dans ce contexte là, le débat sur la révision de la
Constitution me semble inopportun. Cela dit, je crois aussi que la Cour
Constitutionnelle avait tranché la question, je pense qu’une décision était
prise qui disait que le consensus avait valeur constitutionnelle. Alors s’il
doit avoir révision que l’on travaille à avoir le consensus autour et que le
débat se fasse, mais passer en force ou essayer de passer en force, est une
fois encore me semble-t-il maladroit. Ce n’est pas le moment du tout.
Mais ce passage en force se confirme davantage, parce que le chef de
l’Etat l’a réaffirmé devant les diplomates, haut et fort qu’il se doit de
toucher à la Constitution béninoise, qu’est-ce que vous lui conseiller en tant
que citoyen ?
Ousmane Alédji |
Je pense justement en tant que
citoyen, que nul n’est au dessus de la loi et que se sont les lois de la
République qui ont consacré la cour constitutionnelle et qui ont dit que ses
décisions s’imposent à tout le monde et qu’elles sont sans recours. Donc tout
le monde doit se soumettre à la loi y compris, le chef de l’Etat. Maintenant,
s’il met en place des mécanismes de contournement et qu’il y arrive, il y
serait arrivé avec notre complicité et notre consentement. Je pense même que la
nécessité de réviser la Constitution n’est pas le débat, ce n’est là la
question. Il me semble que la vraie question, c’est une question de confiance,
jusqu’où l’autre peut aller dans cette entreprise là. Je pense que les gens ne
sont pas en confiance. Sinon je ne crois pas qu’on ne dit pas que la
Constitution est divin et relève du sacré, qu’il ne faudra jamais toucher. Je
crois que c’est ça le débat. C’est un débat de confiance. C’est dire,
sommes-nous prêts à y aller, tout en faisant confiance les uns aux autres et
jusqu’où sommes-nous disposés à aller. Est-ce qu’à la fin on ne va pas se faire
avoir ? Est- ce qu’en ce moment là il ne serait pas déjà trop tard ?
Et si jamais c’était trop tard comment faire pour revenir en
arrière ? Pourrions-nous contenir
après les déconvenues ou les conséquences de ces excès là ? C’est ça le
débat. Je souhaite que ça ne soit pas non plus un sujet de distraction, parce
qu’on peut en faire un sujet de diversion comme c’est déjà le cas et isolés les
gens des vraies préoccupations des populations béninoises. Tout cela dit, je
répète encore une fois que le problème du Bénin, c’est encore une fois le
béninois. Je suis peiné de voir qu’elle valeur l’argent a aujourd’hui au Bénin.
Comment des gens de talents, de grandes compétences, pour les quels on a le
plus de respect, s’avilissent, s’aplatissent devant le diktat de l’argent. Tout
cela m’attriste et je ne parle pas aux citoyens lambdas, simples, je parle à
des gens qui, au demeurant pour nous étaient des références, des valeurs
morales qui avaient parole dans ce pays. Mais quand vous les voyez aujourd’hui,
vous vous dites, lui aussi ? On n’arrête pas de dire lui aussi, lui aussi,
c’est dommage. C’est l’ère de la clochardisation de tout et cela est très
dommage pour le pays.
Toujours dans l’actualité, un autre sujet défraye la chronique,
l’affaire tentative d’empoisonnement et coup d’Etat, Patrice Talon et Olivier
Bocco toujours poursuivis et dont on attend de la France une probable
extradition, votre réaction, peut être un pardon on ne sait jamais à l’endroit
du chef de l’Etat ?
Encore une fois, sans préjuger de
qui est coupable, de qui ne l’est pas, de quelle décision est juste ou fausse,
j’appelle les uns et les autres au respect de la loi. Le respect de nos
juridictions d’ici et de notre justice. J’ai cru comprendre à travers la presse
et les réseaux sociaux que nos juges sont persécutés et menacés, cela est
indéfendable dans une démocratie. Après sur le sujet même j’attends la dernière
décision de la cour de cassation pour émettre un avis public, mais laissons la
procédure aller jusqu’à son terme. Cela dit, je pense que nous ne saurions
jamais, nous autres citoyens lambdas, la réalité de la querelle entre Messieurs
Talon et Yayi. Nous sommes tous témoins
de ce que ce Monsieur, du poids qui a été le sien dans l’élection du président
en 2006 et dans sa reconduction en 2011. Donc on va dire, c’est des querelles
de famille, sachons nous garder et de nous mêler de cette affaire là. Moi qu’il
s’appelle Talon ou Tartempion ; j’ai le sentiment qu’il connait mieux le
président de la République que nous autres et que si les deux n’arrivent plus à
s’entendre, c’est leurs affaires. Maintenant mêler la République à cette
querelle de copains et de famille, cela me dérange et cela ne rend pas non plus
service à l’image du pays. Notre pays ne devrait pas être réduit à ces petites
querelles là, à ces débats de couloir et d’intrigues. Mais respectons la loi,
que tout le monde se soumette à la loi. Moi
à la limite je m’enfiche de ce que dira la justice française. Je ne suis
pas français, je n’ai pas envie de l’être. La justice béninoise pour moi, est
la meilleure de toues les justices du monde et la première de toutes,
puisqu’elle s’applique à moi-même. Donc voilà, qu’on soit chef de l’Etat ou
citoyen simple, je crois qu’on doit laisser la justice s’exprimer dans toute sa
plénitude.
Propos recueillis par Patrick Hervé YOBODE
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