”Les moyens pour évoluer dans la musique traditionnelle font défaut, mais je ferai tout pour que le Goumbé ne disparaisse“
Aline D la reine du Goumbé |
Bonjour Aline D, s’il vous était donné de vous présenter vous diriez
quoi ?
Bonjour Monsieur le journaliste,
on m’appelle Konfo T. Martine Aline alias Aline D.
Alors en tant qu’artiste, vous avez choisi d’évoluer dans un rythme
traditionnel du Bénin, de quel rythme s’agit-il ?
C’est le rythme Goumbé que je me
dois dans ma vie, parce que c’est mon feu père qui pratiquait ce rythme et
comme il ne vit plus, aujourd’hui moi j’ai pris le flambeau pour assurer la
relève. Voilà pour quoi je suis entrain de faire le Goumbé.
C’est quoi le Goumbé, qu’est-ce qu’on y met et qu’est qu’on retrouve
dans ce rythme ?
Le Goumbé c’est d’abord l’un des
rythmes traditionnels les plus dansants que compte le Bénin. C’est l’identité du peuple Idatcha. Dans le
Goumbé, ou pour faire du Goumbé, il faut être en possession de la castagnette,
du gon simple et le gon jumeaux, le petit tam-tam qui a pour nom Omokélé qui
accompagne le Goumbé même c’est-à-dire le grand tam-tam, qui se joue avec le
talon.
Ce rythme est-ce qu’il est facile d’accès aux hommes et pourquoi vous,
une femme vous avez choisi de faire le Goumbé ?
Jouer le Goumbé, ce n’est pas si
facile, mais comme c’est de chez moi, c’est
dans le sang. Comme dit plus haut c’est mon papa qui dans les années 80 avait
été le 1er artiste phare de ce genre musical. Sinon, j’avais sorti
mon premier album dans la catégorie musique moderne, dont le morceau phare est
‘’Okpè fun Oluwa’’, ce qui veut dire je rends grâce à Dieu. C’est après la
sortie de cet album que les parents ont dit attention, il ne faut pas laisser
ton identité. Beaucoup de personnes m’ont approché, parmi lesquelles Mme Faladé
de la Dfac, le président Hounti Kiki, et m’ont dit de ne pas laisser ce que mon
père faisait. C’est là que j’ai carrément faire un virement vers le Goumbé. Et
comme on ne peut pas exécuter le Goumbé seul, j’ai dû alors composer un groupe
folklorique, dont la plus part des membres reste à Cotonou. Avec donc mes
prières et l’invocation de mon feu père à qui j’ai demandé de me donner
l’inspiration s’il veut vraiment que je crie son nom partout, j’ai commencé les
répétitions avec ce groupe en 2009 et trois
mois après, on n’est rentré en studio pour sortir le premier album Goumbé en
2010. Après l’opus audio, les fans et ceux qui ont aimé ont commencé par
demander la vidéo et c’est comme cela que j’ai sortie le troisième album de ma
carrière en vidéo c’était en 2011.
Dans ce genre musical, déjà deux albums à votre actif, mais est-ce que
vous vous retrouvez réellement dedans, aujourd’hui êtes-vous sure d’être
entrain de rendre un hommage digne à votre papa ?
Oui, j’ai vu que ce sont ceux là
qui ont raison, parce qu’aujourd’hui moi-même, j’ai vite marqué les pas, pour
être au top histoire de ne pas décevoir ces personnes qui ont cru et vu les
potentiels en moi pour le Goumbé. Ce retour vers ma tradition, ma culture le
Goumbé, m’a permis de comprendre que tout le monde aime avec ferveur le rythme
Goumbé, Fon Idatcha, Adja, tout le monde. Lors du forum social mondial à Dakar
au Sénégal, j’ai composé spécialement un son moderne, mais à ma grande
surprise, sénégalais, maliens, congolais, les européens, bref tous ceux qui
étaient à ce forum ont beaucoup plus aimé le Goumbé. A part le Sénégal, le Goumbé est allé au Mali,
au Burkina Faso et a obtenu également de la côte. Aujourd’hui, je rends grâce à
Dieu et je remercie tous ceux là qui se
battent pour notre culture, les promoteurs culturels, les journalistes
culturels etc. pour tout ce qu’ils font pour nous artistes.
Les rythmes traditionnels ont toujours gardé une place de choix sur le
plan national et international, avez-vous déjà glané quelques distinctions avec
le Goumbé ?
Oui bien sûr. Je le dis parce
qu’aujourd’hui avec le Goumbé j’ai
obtenu le trophée de Meilleur album de musique traditionnelle au Bénin Golden
Awards en 2012, le 28 décembre 2012 le rythme Goumbé a été plébiscité meilleur
album de musique traditionnelle sur Bénin Top 10, le 19 janvier de cette année,
Africa Culture aussi nous a décoré, le
08 mars passé avec le Goumbé, j’ai obtenu un autre trophée. Je vois vraiment ça
va, le rythme est connu, apprécié et à son évolution et je dis une fois encore
un grand merci à tous ceux là qui m’ont renvoyé vers mon identité.
Dans les collines en général et à Dassa en particulier, Aline D incarne
aujourd’hui celle là qui pratique le mieux et très bien le rythme Goumbé, pour
que ce rythme ne se meurt préparez-vous déjà une relève ou vous attendez
vieillir avant ?
Après la sortie de mon troisième
album en 2011, j’ai initié l’année qui a suivi, le festival Goumbé qui a tenu
les peuples Idatcha en haleine les 17, 18 et 19 août dernier. Ce festival qui a
retenu tous les artistes qui font du Goumbé a pour ambition et c’est mon rêve,
de voir le Goumbé partout. C’est vrai
que si on dit Goumbé aujourd’hui tout le monde voit Aline D, mais moi je
voudrais que d’autres viennent à ce rythme histoire de le faire perpétuer pour
qu’elle ne disparaisse et pour les générations futures. Mais reconnaissons ici
que les moyens pour évoluer dans la musique traditionnelle au Bénin font
vraiment défaut. Il faut que les sponsors réagissent, que les gens nous aide
parce que chez nous c’est vraiment compliqué. C’est pour cela que je remercie
mon manager M. Méchac E. Dossou, qui a compris ce que je fais et qui m’aide
beaucoup, le promoteur du Goumbé aujourd’hui c’est lui. La deuxième édition de
mon festival se prépare déjà et nous sommes entrain de vouloir fournir les
instruments aux jeunes qui font ou qui voudraient faire du Goumbé, si les
moyens tombaient.
Comment s’appelle alors votre groupe folklorique et quels sont vos
projets à court, moyen et long terme ?
Mon groupe s’appelle Oliworo Ko
Cou, ce qui signifie littéralement Oliworo n’est pas mort, Oliworo c’est le nom
d’artiste de mon papa et comme je fais le Goumbé pour honorer sa mémoire et ses
acquis, j’ai voulu que le groupe porte son nom. Pour les projets à court terme
nous sommes entrain de préparer la 2ème édition du festival Goumbé,
les petites tournées. A moyen terme, nous sommes entrain de cuisiner un grand
spectacle pour cette année si les moyens tombent, si les sponsors réagissent,
ce spectacle est dénommé ‘’ Le retour du Goumbé’’. A long terme, c’est de
négocier avec les maires des communes pour asseoir le Goumbé, sur toute
l’étendue du territoire national à travers des prestations. Mais tout ça
demande des moyens.
Propos recueillis par Patrick Hervé YOBODE
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