mercredi 12 juin 2013

A bâtons rompus avec Aline D la reine du Goumbé



”Les moyens pour évoluer dans la musique traditionnelle font défaut, mais je ferai tout pour que le Goumbé ne disparaisse“

Aline D la reine du Goumbé
Elle s’appelle Aline Martine T. Konfo,  elle couturière de profession, elle originaire de Dassa dans les Collines, est sur les traces de son feu père, le maître incontestable et incontesté d’un rythme phare dans la  musique traditionnelle béninoise. Aline D par son nom d’artiste, elle émerveille et fascine par son talent exceptionnel qu’elle a mis au service du Goumbé, rythme identitaire du peuple Idatcha, qu’elle exécute avec beaucoup de professionnalisme et enthousiasme. Très engagé sur son chemin, elle fait l’honneur de son feu père, le très grand Oliworo ou Nathanaël Kohounfo, artiste aux talents incommensurables ayant marqué la culture béninoise à travers le Goumbé dans les années 80. Ayant déjà plusieurs distinctions à son actif et ayant exporté déjà le Goumbé dans plusieurs pays Ouest africains, nous sommes allés à la rencontre de la reine du Goumbé pour vous et voici ce qu’elle nous a confié.

Bonjour Aline D, s’il vous était donné de vous présenter vous diriez quoi ?

Bonjour Monsieur le journaliste, on m’appelle Konfo T. Martine Aline alias Aline D.

Alors en tant qu’artiste, vous avez choisi d’évoluer dans un rythme traditionnel du Bénin, de quel rythme s’agit-il ?

C’est le rythme Goumbé que je me dois dans ma vie, parce que c’est mon feu père qui pratiquait ce rythme et comme il ne vit plus, aujourd’hui moi j’ai pris le flambeau pour assurer la relève. Voilà pour quoi je suis entrain de faire le Goumbé.

C’est quoi le Goumbé, qu’est-ce qu’on y met et qu’est qu’on retrouve dans ce rythme ?

Le Goumbé c’est d’abord l’un des rythmes traditionnels les plus dansants que compte le Bénin.  C’est l’identité du peuple Idatcha. Dans le Goumbé, ou pour faire du Goumbé, il faut être en possession de la castagnette, du gon simple et le gon jumeaux, le petit tam-tam qui a pour nom Omokélé qui accompagne le Goumbé même c’est-à-dire le grand tam-tam, qui se joue avec le talon.

Ce rythme est-ce qu’il est facile d’accès aux hommes et pourquoi vous, une femme vous avez choisi de faire le Goumbé ?

Jouer le Goumbé, ce n’est pas si facile, mais comme  c’est de chez moi, c’est dans le sang. Comme dit plus haut c’est mon papa qui dans les années 80 avait été le 1er artiste phare de ce genre musical. Sinon, j’avais sorti mon premier album dans la catégorie musique moderne, dont le morceau phare est ‘’Okpè fun Oluwa’’, ce qui veut dire je rends grâce à Dieu. C’est après la sortie de cet album que les parents ont dit attention, il ne faut pas laisser ton identité. Beaucoup de personnes m’ont approché, parmi lesquelles Mme Faladé de la Dfac, le président Hounti Kiki, et m’ont dit de ne pas laisser ce que mon père faisait. C’est là que j’ai carrément faire un virement vers le Goumbé. Et comme on ne peut pas exécuter le Goumbé seul, j’ai dû alors composer un groupe folklorique, dont la plus part des membres reste à Cotonou. Avec donc mes prières et l’invocation de mon feu père à qui j’ai demandé de me donner l’inspiration s’il veut vraiment que je crie son nom partout, j’ai commencé les répétitions avec ce groupe  en 2009 et trois mois après, on n’est rentré en studio pour sortir le premier album Goumbé en 2010. Après l’opus audio, les fans et ceux qui ont aimé ont commencé par demander la vidéo et c’est comme cela que j’ai sortie le troisième album de ma carrière en vidéo c’était en 2011.

Dans ce genre musical, déjà deux albums à votre actif, mais est-ce que vous vous retrouvez réellement dedans, aujourd’hui êtes-vous sure d’être entrain de rendre un hommage digne à votre papa ?

Oui, j’ai vu que ce sont ceux là qui ont raison, parce qu’aujourd’hui moi-même, j’ai vite marqué les pas, pour être au top histoire de ne pas décevoir ces personnes qui ont cru et vu les potentiels en moi pour le Goumbé. Ce retour vers ma tradition, ma culture le Goumbé, m’a permis de comprendre que tout le monde aime avec ferveur le rythme Goumbé, Fon Idatcha, Adja, tout le monde. Lors du forum social mondial à Dakar au Sénégal, j’ai composé spécialement un son moderne, mais à ma grande surprise, sénégalais, maliens, congolais, les européens, bref tous ceux qui étaient à ce forum ont beaucoup plus aimé le Goumbé.  A part le Sénégal, le Goumbé est allé au Mali, au Burkina Faso et a obtenu également de la côte. Aujourd’hui, je rends grâce à Dieu et je remercie tous ceux là qui  se battent pour notre culture, les promoteurs culturels, les journalistes culturels etc. pour tout ce qu’ils font pour nous artistes.

Les rythmes traditionnels ont toujours gardé une place de choix sur le plan national et international, avez-vous déjà glané quelques distinctions avec le Goumbé ?

Oui bien sûr. Je le dis parce qu’aujourd’hui  avec le Goumbé j’ai obtenu le trophée de Meilleur album de musique traditionnelle au Bénin Golden Awards en 2012, le 28 décembre 2012 le rythme Goumbé a été plébiscité meilleur album de musique traditionnelle sur Bénin Top 10, le 19 janvier de cette année, Africa Culture aussi  nous a décoré, le 08 mars passé avec le Goumbé, j’ai obtenu un autre trophée. Je vois vraiment ça va, le rythme est connu, apprécié et à son évolution et je dis une fois encore un grand merci à tous ceux là qui m’ont renvoyé vers mon identité.

Dans les collines en général et à Dassa en particulier, Aline D incarne aujourd’hui celle là qui pratique le mieux et très bien le rythme Goumbé, pour que ce rythme ne se meurt préparez-vous déjà une relève ou vous attendez vieillir avant ?

Après la sortie de mon troisième album en 2011, j’ai initié l’année qui a suivi, le festival Goumbé qui a tenu les peuples Idatcha en haleine les 17, 18 et 19 août dernier. Ce festival qui a retenu tous les artistes qui font du Goumbé a pour ambition et c’est mon rêve, de voir le Goumbé partout.  C’est vrai que si on dit Goumbé aujourd’hui tout le monde voit Aline D, mais moi je voudrais que d’autres viennent à ce rythme histoire de le faire perpétuer pour qu’elle ne disparaisse et pour les générations futures. Mais reconnaissons ici que les moyens pour évoluer dans la musique traditionnelle au Bénin font vraiment défaut. Il faut que les sponsors réagissent, que les gens nous aide parce que chez nous c’est vraiment compliqué. C’est pour cela que je remercie mon manager M. Méchac E. Dossou, qui a compris ce que je fais et qui m’aide beaucoup, le promoteur du Goumbé aujourd’hui c’est lui. La deuxième édition de mon festival se prépare déjà et nous sommes entrain de vouloir fournir les instruments aux jeunes qui font ou qui voudraient faire du Goumbé, si les moyens tombaient.

Comment s’appelle alors votre groupe folklorique et quels sont vos projets à court, moyen et long terme ?

Mon groupe s’appelle Oliworo Ko Cou, ce qui signifie littéralement Oliworo n’est pas mort, Oliworo c’est le nom d’artiste de mon papa et comme je fais le Goumbé pour honorer sa mémoire et ses acquis, j’ai voulu que le groupe porte son nom. Pour les projets à court terme nous sommes entrain de préparer la 2ème édition du festival Goumbé, les petites tournées. A moyen terme, nous sommes entrain de cuisiner un grand spectacle pour cette année si les moyens tombent, si les sponsors réagissent, ce spectacle est dénommé ‘’ Le retour du Goumbé’’. A long terme, c’est de négocier avec les maires des communes pour asseoir le Goumbé, sur toute l’étendue du territoire national à travers des prestations. Mais tout ça demande des moyens.


Propos recueillis par Patrick Hervé YOBODE 


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