jeudi 29 juin 2017

Entretien avec El Hadj Malick Boukari Moutawakil à l’occasion de la célébration de l’Aïd el-Fitr

« Il faut que les dirigeants cessent de piller ce pays car Dieu n’a créé aucun peuple sans richesse… »

Il est reconnu pour sa verve et son sens de patriotisme, l’Imam de la Mosquée Centrale Médine II d’Agori Plateau, dans la Commune d’Abomey-Calavi a encore frappé fort, lors de son sermon à l’occasion de la célébration de la fête du Ramadan édition 2017. Au détour d’un entretien réalisé à la fin de la grande prière, il a peint les maux qui minent le Bénin et qui empêchent son développement, il désavoue la jeunesse qui est à la solde des politiciens et du gain facile et implore Allah le tout miséricordieux de garder ce pays dans la paix, l’amour, la prospérité, le partage, la fraternité, la justice et l’équité. Lisez plutôt.

Présentez-vous à nos lecteurs ?

Je suis El Hadj Malick Boukari Moutawakil, Imam de la Mosquée Centrale Médine II d’Agori Plateau dans la Commune d’Abomey-Calavi. Trésorier Général de l’Union Islamique du Bénin.

Quel serait vos premiers mots à l’endroit d’Allah après ce mois de jeûne ?

Nous remercions Dieu le Tout miséricordieux qui nous a donné la force, qui a permis de finir ce jeûne dans la santé, le bonheur, la prospérité et l’adoration, avec la foi qui a diminué chez certains et qui a augmenté chez d’autres.

Comment la foi diminue et augmente dans la période de l’Aïd el-Fitr, expliquez-nous cela ?

Vous savez, il y a des croyants pratiquants fervents et des croyants tout court. La foi augmente chez ceux là qui connaissent Allah pendant toute l’année et non seulement dans le mois de Ramadan. Par contre, il y a des gens qui ne reconnaissent Dieu que dans le mois du jeûne. Ceux là leur foi diminue, car ils oublient que tous les mois, sont pour Dieu et qu’il a donné à chaque jour, chaque mois et à chaque année sa valeur. C’est pourquoi, il a pris le vendredi parmi les jours pour son jour, le mois de Ramadan parmi les mois et il a pris le mois du pèlerinage, comme le début de son année et le mois au cours duquel, les musulmans vont se repentir.  

Quelle leçon faut-il alors tirer du mois de Ramadan ?

Comme leçon, le musulman conscient et responsable doit savoir que la période du jeûne est un moment où la leçon primordiale tournerait autour de l’amour, de l’unité, de la paix, de la foi, de la solidarité, du pardon et surtout du partage, mais aussi le développement parce que l’amour appelle au développement. Maintenant si on revient à nous-mêmes, ont peut se demander, quelle est notre partition à jouer, quel concours nous devons apporter à notre pays pendant cette période, mais hélas ! Personne  ne se préoccupe de cela et tout le monde n’est pas non plus appelé à apporter sa contribution. Car les autorités politico-administratives s’accaparent de tout. Ils veulent tout faire tout seuls et ce n’est pas normal.

Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?

Ecoutez de nos jours, les autorités n’écoutent plus personne, ils ne consultent plus personne. Hors nos anciens et les prophètes consultaient leurs peuples, mais aujourd’hui non. Ce qui fatigue nos Etats aujourd’hui, Dieu l’avait déjà prédit voici des milliers d’années.
Imam Moutawakil de la Mosquée Centrale
Médine II d'Agori Plateau

En effet, Dieu avait déclaré, qu’il y a deux catégories de personnes qui, lorsqu’ils sont biens leur pays va bien, mais lorsqu’ils sont mauvais, leur pays va très mal. Ce sont les gouvernants et les religieux. Si ont doit tenir compte de cela, quelle est la place que les gouvernants accordent aux religieux dans les prises de décisions, rien. Dans les institutions ou au sein des conseillers, avez-vous vu déjà quelqu’un qui parle au nom des religieux ? Si avant les choses marchaient et que la paix régnait, c’est que les prophètes étaient les chefs religieux et en même temps les chefs de leur pays.

Le prophète Mahomet (Paix sur Lui), consultait tout son peuple. Aujourd’hui qui consulte qui ? Personne, puisque s’il y avait consultation du peuple, les déguerpissements sauvages là n’allaient pas se passer comme cela. Mais lorsqu’ils se sont attaqués à nos Mosquées, ça à jouer dans les relations internationales et ils ont dû abandonner. Quelques soient les circonstances, tout le monde est appelé à apporter sa contribution à la construction du pays mais ils ont refusé.

Dans le plan de Dieu, la hiérarchie devrait être composée comme suit : les religieux, les gouvernants et les riches. Mais qu’observe-t-on aujourd’hui ? Tout a été inversé et la hiérarchie est bafouée. C’est le contraire qui se produit de nos jours avec les riches, les gouvernants et les religieux en queue de peloton.

Qu’est-ce qui peut justifier cet état de chose ?

Ce qui favorise cette désorganisation de la société est que les religieux sont devenus tous corrompus, arrogants, irresponsables, sans crainte de Dieu faisant passer leurs passions, leurs ambitions avant tout. Les dignitaires religieux qui doivent dire la vérité aux autorités politico-administratives, se taisent et voient faire, parce qu’ils veulent manger, ils veulent voitures, et ceci et cela. Voilà comment notre pays se désorganise. Ceci fait que n’importe quel chef d’Etat qui est élu, on parlera toujours mal de lui.

Donc si les religieux et les politiciens sont sincères le pays se portera bien, mais si c’est le contraire les riches vont prendre possession de tout entrainant tout le monde et le désordre va continuer. Vous-même vous voyez, celui qui est président aujourd’hui, c’est un homme d’affaire, un riche et qu’est-ce qu’on observe, les politiciens sont relégués au second rang tandis que les religieux sont complètement ignorés. Peut importe, l’Islam nous recommande d’obéir à tous ceux qui sont élus démocratiquement.
Sinon ils peuvent nous voler, nous brimer, être injustes envers nous, Dieu nous recommande de les suivre, parce qu’ils ont toutes les forces dans leurs mains. Mais c’est lorsqu’on nous empêche de pratiquer notre foi que la guerre sainte se déclenche.

En dehors de ce que vous dénoncer là quels autres vecteurs peuvent favoriser la mauvaise gestion de notre pays ?

Dans un Etat où tous les pouvoirs sont concentrés dans la main d’une seule personne, tout est bafoué. 
Au Bénin, c’est à cela nous assistons, hors l’Islam recommande de ne pas laisser tout le pouvoir dans les mains d’un seul homme. Et c’est pourquoi, on assiste à tout ce qu’on voit aujourd’hui. Le Chef de l’Etat qui fait ce qu’il veut, alors que  s’il y avait des forces qui lui disaient attention voici tes limites, les choses ne seront pas comme cela. Aujourd’hui aucune institution ne joue le rôle qui est le sien. Nous sommes dans un désordre généralisé.

Que peut-on retenir de votre sermon à l’occasion de l’Aïd el-Fitr ?

Aujourd’hui, la raison du plus fort est la meilleure. L’intérêt général est bafoué au profit de l’intérêt personnel. Il faut qu’on change de mentalité. Mon sermon s’est appesanti sur ce fait là et surtout je me suis adressé aux jeunes. Je suis triste parce que la jeunesse au lieu de s’organiser pour savoir comment utiliser, leur intelligence, leur savoir faire pour être incontournable, s’adonne à la haine, à l’hypocrisie, la calomnie. Les jeunes sont devenus des chiffons pour les politiciens. A la recherche du gain facile dans tous les domaines, ils vont prendre de l’argent chez ces politiciens, pour aller insulter leurs parents sur les réseaux sociaux.

Ils se livrent à la débauche, à la prostitution, au détournement, parmi eux, il y a des coupeurs de routes, ils s’adonnent à l’alcool et au tabagisme, alors que tout ça conduit à la destruction du monde. Il faut que les jeunes changent de mentalité. Je lance un appel à la jeunesse et je leur dis que les miettes qu’ils vont prendre, les voitures, les motos et consorts ne leur serviront à rien.

Ce monde est foutu, parce que tout est mélangé. Les enfants ne respectent plus leurs parents, les parents qui se foutent des enfants, les femmes qui ne respectent plus leurs maris et les maris aussi qui s’en foutent. Il faut alors qu’on revienne à nous-mêmes pour puiser à la source de nos cultures oubliées au lieu de nous accrocher à la culture des autres qui ne nous apporte rien. Il faut que les gouvernants cessent de toujours copier les blancs (colonisateurs), pour que notre pays aille de l’avant, car Dieu n’a créé aucun peuple sans richesse. Tous les pays ont été créés égaux avec ce qui fera leur développement. Il faut aussi que les dirigeants cessent de détourner des milliards qu’ils vont cacher dans des comptes en banque chez les européens, alors que l’inverse ne s’est jamais produit.

Désormais, il faut que l’Etat encourage ceux qui volent l’argent du pays et qui réinvestissent dans le pays en créant des emplois aux jeunes. Mais ceux qui volent notre pays pour aller investir ailleurs, il faudra les jeter au fin fond de la prison.

Quel a été votre message à l’endroit des béninoises et béninois ?

J’ai demandé à mes compatriotes de se calmer et de prier pour que tout aille bien et que le Président recouvre totalement la santé. Ceci parce que nous l’avons tous élu pour 5 ans et il faut l’accompagner pour qu’il réussisse son quinquennat car son échec est un échec collectif. Que ce soit mouvanciers ou opposants tous nous devons travailler avec lui pour la réussite de son mandat. Il y va de  notre bien à tous.

Un appel au Président de la République ?

Je dis au Président Talon que tout le monde tombe malade et ce n’est pas un crime de tomber malade. Alors il n’a pas de raison à cacher quoi que ce soit. Je condamne ceux qui avaient souhaité le pire, car Dieu même est contre cela. Mais il doit prendre tout ça comme un examen de Dieu et se remettre en cause, car ses compatriotes souffrent. Nous devons prier pour lui.

Un mot de fin ?

Oui j’ai prié Dieu et je continuerai de le faire chaque jour pour qu’il garde ce pays dans la paix, l’amour, la solidarité, la fraternité, le partage, la justice, l’équité et la transparence. Qu’il éclaire le Chef de l’Etat, les parlementaires, les ministres et les responsables à divers niveaux afin que nous construisions ce pays dans l’unité.

Propos recueillis par Patrick Hervé YOBODE


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