« Il faut que les dirigeants cessent de piller ce pays car Dieu n’a créé aucun peuple sans richesse… »
Il est reconnu pour sa verve et son sens de patriotisme, l’Imam de la
Mosquée Centrale Médine II d’Agori Plateau, dans la Commune d’Abomey-Calavi a
encore frappé fort, lors de son sermon à l’occasion de la célébration de la
fête du Ramadan édition 2017. Au détour d’un entretien réalisé à la fin de la
grande prière, il a peint les maux qui minent le Bénin et qui empêchent son
développement, il désavoue la jeunesse qui est à la solde des politiciens et du
gain facile et implore Allah le tout miséricordieux de garder ce pays dans la
paix, l’amour, la prospérité, le partage, la fraternité, la justice et l’équité.
Lisez plutôt.
Présentez-vous à nos lecteurs ?
Je suis El Hadj Malick Boukari
Moutawakil, Imam de la Mosquée Centrale Médine II d’Agori Plateau dans la
Commune d’Abomey-Calavi. Trésorier Général de l’Union Islamique du Bénin.
Quel serait vos premiers mots à l’endroit d’Allah après ce mois de
jeûne ?
Nous remercions Dieu le Tout
miséricordieux qui nous a donné la force, qui a permis de finir ce jeûne dans
la santé, le bonheur, la prospérité et l’adoration, avec la foi qui a diminué
chez certains et qui a augmenté chez d’autres.
Comment la foi diminue et augmente dans la période de l’Aïd el-Fitr,
expliquez-nous cela ?
Vous savez, il y a des croyants
pratiquants fervents et des croyants tout court. La foi augmente chez ceux là
qui connaissent Allah pendant toute l’année et non seulement dans le mois de
Ramadan. Par contre, il y a des gens qui ne reconnaissent Dieu que dans le mois
du jeûne. Ceux là leur foi diminue, car ils oublient que tous les mois, sont
pour Dieu et qu’il a donné à chaque jour, chaque mois et à chaque année sa
valeur. C’est pourquoi, il a pris le vendredi parmi les jours pour son jour, le
mois de Ramadan parmi les mois et il a pris le mois du pèlerinage, comme le
début de son année et le mois au cours duquel, les musulmans vont se repentir.
Quelle leçon faut-il alors tirer du mois de Ramadan ?
Comme leçon, le musulman
conscient et responsable doit savoir que la période du jeûne est un moment où
la leçon primordiale tournerait autour de l’amour, de l’unité, de la paix, de
la foi, de la solidarité, du pardon et surtout du partage, mais aussi le
développement parce que l’amour appelle au développement. Maintenant si on
revient à nous-mêmes, ont peut se demander, quelle est notre partition à jouer,
quel concours nous devons apporter à notre pays pendant cette période, mais
hélas ! Personne ne se préoccupe de
cela et tout le monde n’est pas non plus appelé à apporter sa contribution. Car
les autorités politico-administratives s’accaparent de tout. Ils veulent tout
faire tout seuls et ce n’est pas normal.
Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
Ecoutez de nos jours, les
autorités n’écoutent plus personne, ils ne consultent plus personne. Hors nos
anciens et les prophètes consultaient leurs peuples, mais aujourd’hui non. Ce qui
fatigue nos Etats aujourd’hui, Dieu l’avait déjà prédit voici des milliers d’années.
Imam Moutawakil de la Mosquée Centrale Médine II d'Agori Plateau |
En effet, Dieu avait déclaré, qu’il
y a deux catégories de personnes qui, lorsqu’ils sont biens leur pays va bien,
mais lorsqu’ils sont mauvais, leur pays va très mal. Ce sont les gouvernants et
les religieux. Si ont doit tenir compte de cela, quelle est la place que les
gouvernants accordent aux religieux dans les prises de décisions, rien. Dans les
institutions ou au sein des conseillers, avez-vous vu déjà quelqu’un qui parle
au nom des religieux ? Si avant les choses marchaient et que la paix régnait,
c’est que les prophètes étaient les chefs religieux et en même temps les chefs
de leur pays.
Le prophète Mahomet (Paix sur
Lui), consultait tout son peuple. Aujourd’hui qui consulte qui ? Personne,
puisque s’il y avait consultation du peuple, les déguerpissements sauvages là n’allaient
pas se passer comme cela. Mais lorsqu’ils se sont attaqués à nos Mosquées, ça à
jouer dans les relations internationales et ils ont dû abandonner. Quelques
soient les circonstances, tout le monde est appelé à apporter sa contribution à
la construction du pays mais ils ont refusé.
Dans le plan de Dieu, la
hiérarchie devrait être composée comme suit : les religieux, les
gouvernants et les riches. Mais qu’observe-t-on aujourd’hui ? Tout a été
inversé et la hiérarchie est bafouée. C’est le contraire qui se produit de nos
jours avec les riches, les gouvernants et les religieux en queue de peloton.
Qu’est-ce qui peut justifier cet état de chose ?
Ce qui favorise cette
désorganisation de la société est que les religieux sont devenus tous
corrompus, arrogants, irresponsables, sans crainte de Dieu faisant passer leurs
passions, leurs ambitions avant tout. Les dignitaires religieux qui doivent
dire la vérité aux autorités politico-administratives, se taisent et voient
faire, parce qu’ils veulent manger, ils veulent voitures, et ceci et cela.
Voilà comment notre pays se désorganise. Ceci fait que n’importe quel chef d’Etat
qui est élu, on parlera toujours mal de lui.
Donc si les religieux et les
politiciens sont sincères le pays se portera bien, mais si c’est le contraire
les riches vont prendre possession de tout entrainant tout le monde et le
désordre va continuer. Vous-même vous voyez, celui qui est président aujourd’hui,
c’est un homme d’affaire, un riche et qu’est-ce qu’on observe, les politiciens
sont relégués au second rang tandis que les religieux sont complètement
ignorés. Peut importe, l’Islam nous recommande d’obéir à tous ceux qui sont
élus démocratiquement.
Sinon ils peuvent nous voler,
nous brimer, être injustes envers nous, Dieu nous recommande de les suivre,
parce qu’ils ont toutes les forces dans leurs mains. Mais c’est lorsqu’on nous
empêche de pratiquer notre foi que la guerre sainte se déclenche.
En dehors de ce que vous dénoncer là quels autres vecteurs peuvent
favoriser la mauvaise gestion de notre pays ?
Dans un Etat où tous les pouvoirs
sont concentrés dans la main d’une seule personne, tout est bafoué.
Au Bénin, c’est
à cela nous assistons, hors l’Islam recommande de ne pas laisser tout le
pouvoir dans les mains d’un seul homme. Et c’est pourquoi, on assiste à tout ce
qu’on voit aujourd’hui. Le Chef de l’Etat qui fait ce qu’il veut, alors
que s’il y avait des forces qui lui
disaient attention voici tes limites, les choses ne seront pas comme cela. Aujourd’hui
aucune institution ne joue le rôle qui est le sien. Nous sommes dans un
désordre généralisé.
Que peut-on retenir de votre sermon à l’occasion de l’Aïd el-Fitr ?
Aujourd’hui, la raison du plus
fort est la meilleure. L’intérêt général est bafoué au profit de l’intérêt
personnel. Il faut qu’on change de mentalité. Mon sermon s’est appesanti sur ce
fait là et surtout je me suis adressé aux jeunes. Je suis triste parce que la
jeunesse au lieu de s’organiser pour savoir comment utiliser, leur
intelligence, leur savoir faire pour être incontournable, s’adonne à la haine,
à l’hypocrisie, la calomnie. Les jeunes sont devenus des chiffons pour les
politiciens. A la recherche du gain facile dans tous les domaines, ils vont
prendre de l’argent chez ces politiciens, pour aller insulter leurs parents sur
les réseaux sociaux.
Ils se livrent à la débauche, à
la prostitution, au détournement, parmi eux, il y a des coupeurs de routes, ils
s’adonnent à l’alcool et au tabagisme, alors que tout ça conduit à la
destruction du monde. Il faut que les jeunes changent de mentalité. Je lance un
appel à la jeunesse et je leur dis que les miettes qu’ils vont prendre, les
voitures, les motos et consorts ne leur serviront à rien.
Ce monde est foutu, parce que
tout est mélangé. Les enfants ne respectent plus leurs parents, les parents qui
se foutent des enfants, les femmes qui ne respectent plus leurs maris et les
maris aussi qui s’en foutent. Il faut alors qu’on revienne à nous-mêmes pour
puiser à la source de nos cultures oubliées au lieu de nous accrocher à la
culture des autres qui ne nous apporte rien. Il faut que les gouvernants
cessent de toujours copier les blancs (colonisateurs), pour que notre pays
aille de l’avant, car Dieu n’a créé aucun peuple sans richesse. Tous les pays
ont été créés égaux avec ce qui fera leur développement. Il faut aussi que les
dirigeants cessent de détourner des milliards qu’ils vont cacher dans des
comptes en banque chez les européens, alors que l’inverse ne s’est jamais
produit.
Désormais, il faut que l’Etat
encourage ceux qui volent l’argent du pays et qui réinvestissent dans le pays
en créant des emplois aux jeunes. Mais ceux qui volent notre pays pour aller
investir ailleurs, il faudra les jeter au fin fond de la prison.
Quel a été votre message à l’endroit des béninoises et béninois ?
J’ai demandé à mes compatriotes
de se calmer et de prier pour que tout aille bien et que le Président recouvre
totalement la santé. Ceci parce que nous l’avons tous élu pour 5 ans et il faut
l’accompagner pour qu’il réussisse son quinquennat car son échec est un échec
collectif. Que ce soit mouvanciers ou opposants tous nous devons travailler
avec lui pour la réussite de son mandat. Il y va de notre bien à tous.
Un appel au Président de la République ?
Je dis au Président Talon que
tout le monde tombe malade et ce n’est pas un crime de tomber malade. Alors il
n’a pas de raison à cacher quoi que ce soit. Je condamne ceux qui avaient souhaité
le pire, car Dieu même est contre cela. Mais il doit prendre tout ça comme un
examen de Dieu et se remettre en cause, car ses compatriotes souffrent. Nous
devons prier pour lui.
Un mot de fin ?
Oui j’ai prié Dieu et je
continuerai de le faire chaque jour pour qu’il garde ce pays dans la paix, l’amour,
la solidarité, la fraternité, le partage, la justice, l’équité et la transparence.
Qu’il éclaire le Chef de l’Etat, les parlementaires, les ministres et les
responsables à divers niveaux afin que nous construisions ce pays dans l’unité.
Propos recueillis par Patrick Hervé YOBODE
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