mercredi 7 septembre 2016

Culture et programmes politiques au Bénin de 1960 à 2016

Les acteurs culturels réclament une amélioration du secteur

Pour sa causerie mensuelle du mois d’Août, l’association Okpara Culture a réuni les acteurs culturels Ousmane Alédji, Koffi Gahou et Joël Ataï Guèdègbé pour échanger sur le thème « Culture et programmes politiques : Les partis de 1960 à nos jours ». C’était le 27 Août 2016 à la termitière de l’association à Zogbohouè.

Koffi Gahou, Ousmane Alédji et Joël Ataï Guèdègbé étaient les trois invités de la causerie mensuelle du mois d’Août à la termitière de l’association Okpara Culture. Ces éminents acteurs culturels ont entretenu l’assistance sur la question de la place occupée par la culture dans les programmes de politiques depuis l’accession du Bénin à l’indépendance jusqu’à nos jours. Sous la modération de Fortuné Sossa, les trois panelistes ont passé en revue les différentes actions culturelles entreprises par les différents régimes politiques durant cette période. De la période révolutionnaire en passant par l’époque du marxisme léninisme jusqu’à l’avènement de la démocratie. Sans être un historien de l’art, mais acteur culturel d’expérience qui a vu défiler tous les régimes politiques, Koffi Gahou, estime  qu’aucune autorité politique ne s’est réellement occupée de la culture durant toute la période. 

Membre fondateur de la compagnie de théâtre Zama Hara, l’artiste renseigne qu’aux premières heures de l’accession du Dahomey à l’indépendance, ce sont les acteurs culturels qui, de façon individuelle ont entrepris des initiatives allant dans le sens du développement de la culture. Citant pour exemples GG Vikey, Lazare Houétin, El Régo et Les Muses du Bénin comme des artistes ayant marqué le paysage culturel de la République Populaire du Bénin, Koffi Gahou constate qu’aucune politique culturelle n’était au rendez-vous. En dehors de la participation du Dahomey au premier « Festival des Arts Nègres », informe-il, aucun engagement politique n’était remarqué dans le secteur. « Il n’y avait pas une directive, des structures et des moyens pour développer le secteur culturel », confesse-il avec désolation. Mais à une époque, se réjouit-il, nous avons eu avec l’aide de la Loterie Nationale du Bénin des maisons de culture. Après la démocratie, ajoute-il, il n’y a plus de fusion politique et chacun fait ce qu’il veut. « L’argent est arrivé entre temps et tout s’est éclaté. Les artistes marchent non pas pour défendre une idéologie, pour défendre une vision mais on parle du milliard culturel. Tout le monde s’accroche au Fonds d’Aide à la Culture et chacun fait ce qu’il veut en toute liberté », conclut-il.

La place de la culture dans le discours programme du 30 novembre 1972.

Est-ce qu’on peut déceler des intérêts pour la culture dans le discours programme de la révolution militaire de Mathieu Kérékou en date du 30 novembre 1972 ? Ousmane Alédji, directeur du Centre culturel Artisttik  Africa a apporté son élément de réponse sur la question dans son intervention. Sur la première page, 3ième ligne du document, remarque-il, il est écrit : « l’histoire de cette domination est celle de l’oppression politique, de l’exploitation économique, de l’aliénation culturelle ». Dans sa lecture de tout le document, Ousmane Alédji observe que le mot Culture est apparu 25 fois. Ce qui veut dire, signale-t-il, que quelque chose avait commencé ne serait-ce que dans les esprits, les pensées et les discours politiques. Ce qui manquait dans le temps, confie-il, ce sont les expertises avérées et le suivi dans la mise en œuvre de ces projets et programmes qui ont été sans doute initiés plus tard. Passée cette période révolutionnaire, Nicéphore Soglo, premier ministre et après Président de la République à l’avènement de la démocratie a initié trois projets phares dans le secteur culturel. Les trois projets, énumère le communicateur, sont Ouidah 92, le Festival International de Théâtre  du Bénin (FITHEB) qui est l’émanation d’un choix politique et le projet de la route des esclaves. « Nous voyons qu’à l’époque, le président Soglo avait entrepris d’ériger dans les grands carrefours de certaines de nos villes des monuments. Le personnage lui-même s’habillait à la manière d’Obasanjo comme pour vendre une identité béninoise. 
De gauche à droite, Koffi Gahou, Ousmane Alédji, Fortuné Sossa et Joël Ataï Guèdègbé

C’était en quelque sorte un promoteur culturel », rappelle Ousmane Alédji. Ce qui lui a manqué aussi à cette époque, pense-il, reste encore l’expertise et le temps puisqu’il est parti au terme de son mandat unique. En dehors de cela, insiste-il, la période de Yayi Boni était comme une souffrance. Au plan culturel, martèle-il, je suis de ceux qui pensent que des gens sérieux ne débattent pas d’argent mais plutôt de vision, de projets et de programmes. « Yayi Boni a traité les hommes de culture comme des gamins, comme des gens qui ont faim. Donner leur quelque chose parce qu’ils ont faim et après ils vont se calmer, ils vont nous coller la paix. Donc, le montant qui était alloué au Fonds d’Aide à la Culture, certaines personnes ont salué l’initiative avec enthousiasme et acclamation », a-t-il laissé entendre avant d’ajouter ensuite que malgré l’existence des milliards, le secteur de la culture ne se porte pas mieux. Quittant la période de gestion sous Boni Yayi à celle du nouveau départ de Patrice Talon, Ousmane Alédji estime que c’est scandaleux qu’on en soit encore là aujourd’hui. « On ne peut pas créer un ministère de la quête et de l’église. Le tourisme est un produit culturel… », Observe-il. En conclusion, Ousmane Alédji, avoue que ce n’est pas défendable que de 1960 à 2016, la culture béninoise végète encore dans cette léthargie. 

Reconnaissance de la dimension économique de la culture

Troisième invité de cette causerie, Joël Ataï Guèdègbé pense qu’il y a eu trop d’incantations dans le secteur culturel au Bénin. C’est donc, affirme-il, une tragique ignorance que de renverser les choses et avoir la culture comme sous-secteur du tourisme. Le Parti Révolutionnaire Populaire du Bénin (PRPB), informe-il, a eu l’avantage de déployer sa politique d’encadrement. Cela a commencé, conte-t-il, par la structuration des coopératives scolaires à travers la création d’une direction de la culture populaire. « Le mouvement pour l’intérêt de la culture nous vient de la période à deux mouvements. Celui de la négritude avec les pères de l’indépendance (Senghor, Aimé Césaire, Nicéphore Soglo). Donc, tout le mouvement de la négritude qui a permis aux uns et autres d’avoir un discours sur leur identité, sur leur culture », renseigne-t-il. Enfin, le communicateur conseille à ceux qui ont pour vocation de diriger un pays de respecter la liberté des uns et des autres et de considérer la dimension économique de la culture pour le développement d’une nation.



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