Les acteurs culturels réclament une amélioration du secteur
Pour sa causerie mensuelle du mois d’Août, l’association Okpara Culture
a réuni les acteurs culturels Ousmane Alédji, Koffi Gahou et Joël Ataï Guèdègbé
pour échanger sur le thème « Culture et programmes politiques : Les
partis de 1960 à nos jours ». C’était le 27 Août 2016 à la termitière de
l’association à Zogbohouè.
Koffi Gahou, Ousmane Alédji et
Joël Ataï Guèdègbé étaient les trois invités de la causerie mensuelle du mois
d’Août à la termitière de l’association Okpara Culture. Ces éminents acteurs
culturels ont entretenu l’assistance sur la question de la place occupée par la
culture dans les programmes de politiques depuis l’accession du Bénin à
l’indépendance jusqu’à nos jours. Sous la modération de Fortuné Sossa, les
trois panelistes ont passé en revue les différentes actions culturelles
entreprises par les différents régimes politiques durant cette période. De la
période révolutionnaire en passant par l’époque du marxisme léninisme jusqu’à
l’avènement de la démocratie. Sans être un historien de l’art, mais acteur
culturel d’expérience qui a vu défiler tous les régimes politiques, Koffi Gahou,
estime qu’aucune autorité politique ne s’est réellement occupée de la
culture durant toute la période.
Membre fondateur de la compagnie de théâtre
Zama Hara, l’artiste renseigne qu’aux premières heures de l’accession du
Dahomey à l’indépendance, ce sont les acteurs culturels qui, de façon
individuelle ont entrepris des initiatives allant dans le sens du développement
de la culture. Citant pour exemples GG Vikey, Lazare Houétin, El Régo et Les
Muses du Bénin comme des artistes ayant marqué le paysage culturel de la
République Populaire du Bénin, Koffi Gahou constate qu’aucune politique
culturelle n’était au rendez-vous. En dehors de la participation du Dahomey au
premier « Festival des Arts Nègres », informe-il, aucun engagement
politique n’était remarqué dans le secteur. « Il n’y avait pas une
directive, des structures et des moyens pour développer le secteur
culturel », confesse-il avec désolation. Mais à une époque, se réjouit-il,
nous avons eu avec l’aide de la Loterie Nationale du Bénin des maisons de
culture. Après la démocratie, ajoute-il, il n’y a plus de fusion politique et
chacun fait ce qu’il veut. « L’argent est arrivé entre temps et tout s’est
éclaté. Les artistes marchent non pas pour défendre une idéologie, pour
défendre une vision mais on parle du milliard culturel. Tout le monde
s’accroche au Fonds d’Aide à la Culture et chacun fait ce qu’il veut en toute
liberté », conclut-il.
La place de la culture dans le discours programme du 30 novembre 1972.
Est-ce qu’on peut déceler des intérêts
pour la culture dans le discours programme de la révolution militaire de
Mathieu Kérékou en date du 30 novembre 1972 ? Ousmane Alédji, directeur du
Centre culturel Artisttik Africa a
apporté son élément de réponse sur la question dans son intervention. Sur la
première page, 3ième ligne du document, remarque-il, il est écrit :
« l’histoire de cette domination est celle de l’oppression politique, de
l’exploitation économique, de l’aliénation culturelle ». Dans sa lecture
de tout le document, Ousmane Alédji observe que le mot Culture est apparu 25
fois. Ce qui veut dire, signale-t-il, que quelque chose avait commencé ne
serait-ce que dans les esprits, les pensées et les discours politiques. Ce qui
manquait dans le temps, confie-il, ce sont les expertises avérées et le suivi
dans la mise en œuvre de ces projets et programmes qui ont été sans doute
initiés plus tard. Passée cette période révolutionnaire, Nicéphore Soglo,
premier ministre et après Président de la République à l’avènement de la
démocratie a initié trois projets phares dans le secteur culturel. Les trois
projets, énumère le communicateur, sont Ouidah 92, le Festival International de
Théâtre du Bénin (FITHEB) qui est
l’émanation d’un choix politique et le projet de la route des esclaves.
« Nous voyons qu’à l’époque, le président Soglo avait entrepris d’ériger
dans les grands carrefours de certaines de nos villes des monuments. Le
personnage lui-même s’habillait à la manière d’Obasanjo comme pour vendre une
identité béninoise.
De gauche à droite, Koffi Gahou, Ousmane Alédji, Fortuné Sossa et Joël Ataï Guèdègbé |
C’était en quelque sorte un promoteur culturel »,
rappelle Ousmane Alédji. Ce qui lui a manqué aussi à cette époque, pense-il,
reste encore l’expertise et le temps puisqu’il est parti au terme de son mandat
unique. En dehors de cela, insiste-il, la période de Yayi Boni était comme une
souffrance. Au plan culturel, martèle-il, je suis de ceux qui pensent que des
gens sérieux ne débattent pas d’argent mais plutôt de vision, de projets et de
programmes. « Yayi Boni a traité les hommes de culture comme des gamins,
comme des gens qui ont faim. Donner leur quelque chose parce qu’ils ont faim et
après ils vont se calmer, ils vont nous coller la paix. Donc, le montant qui
était alloué au Fonds d’Aide à la Culture, certaines personnes ont salué
l’initiative avec enthousiasme et acclamation », a-t-il laissé entendre
avant d’ajouter ensuite que malgré l’existence des milliards, le secteur de la
culture ne se porte pas mieux. Quittant la période de gestion sous Boni Yayi à
celle du nouveau départ de Patrice Talon, Ousmane Alédji estime que c’est
scandaleux qu’on en soit encore là aujourd’hui. « On ne peut pas créer un
ministère de la quête et de l’église. Le tourisme est un produit
culturel… », Observe-il. En conclusion, Ousmane Alédji, avoue que ce n’est
pas défendable que de 1960 à 2016, la culture béninoise végète encore dans
cette léthargie.
Reconnaissance de la dimension économique de la culture
Troisième invité de cette
causerie, Joël Ataï Guèdègbé pense qu’il y a eu trop d’incantations dans
le secteur culturel au Bénin. C’est donc, affirme-il, une tragique ignorance
que de renverser les choses et avoir la culture comme sous-secteur du tourisme.
Le Parti Révolutionnaire Populaire du Bénin (PRPB), informe-il, a eu l’avantage
de déployer sa politique d’encadrement. Cela a commencé, conte-t-il, par la
structuration des coopératives scolaires à travers la création d’une direction
de la culture populaire. « Le mouvement pour l’intérêt de la culture nous
vient de la période à deux mouvements. Celui de la négritude avec les pères de
l’indépendance (Senghor, Aimé Césaire, Nicéphore Soglo). Donc, tout le
mouvement de la négritude qui a permis aux uns et autres d’avoir un discours
sur leur identité, sur leur culture », renseigne-t-il. Enfin, le
communicateur conseille à ceux qui ont pour vocation de diriger un pays de
respecter la liberté des uns et des autres et de considérer la dimension
économique de la culture pour le développement d’une nation.
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