Les béninois se prononcent
(Le promoteur sonné de revoir sa copie)
Premier sur la scène musicale béninoise a semé la concurrence entre les
artistes en vue d’améliorer la qualité des œuvres musicales, la Coupe nationale
du vainqueur des artistes du Bénin (CONAVAB), devenue internationale en 2012,
serait décriée par les béninois. Après
17 ans de parcours, il convenait peut-être de toiletter la compétition,
histoire de la rendre encore plus attractive. Mais ne l’ayant pas fait, les
amoureux d’une compétition qui aura fait des émulations pensent que la
monotonie s’est installée et la routine n’a rien n’arrangé. Après la grande finale de l’édition 2014, qui
consacrait Marx Sèdégan vainqueur des artistes du Bénin, nous avons promené
notre enregistreur dans les rues de Cotonou et d’Abomey-Calavi, pour recueillir
les impressions de certains béninois par rapport à cette compétition. Voici ce
qu’ils en pensent.
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Patrice Ahouloumè, Promoteur de la CONAVAB |
Babatoundé Constantin Nobimè, Journaliste Culturel : il y a une
quinzaine d’années, CONAVAB était une compétition honnête. Il y avait de l’engouement autour, on appréciait très bien cette compétition.
Sur les antennes de la radio nationale et de certaines radios associées plus
tard, les béninois toutes catégories confondues appelaient et votaient pour
l’artiste de leur choix. C’était très beau.
Mais depuis un certain temps, surtout entre 4 ou 5 ans, CONAVAB n’a plus
sa crédibilité, il y a en tout cas selon nous du favoritisme. Aujourd’hui il suffit que tu aies un peu
d’argent que tu distribues aux gens qui appellent et votent pour toi en
désordre même si tu es nul. Il faudra
alors que le promoteur change de style, pour que nous ayons la CONAVAB que nous
avons il y a 15 ans. Aujourd’hui si
peut-être le ministre ou un partenaire décide ou pèse dans la balance, un tel
artiste ou un autre peut devenir champion, ce n’est pas bon. Alors que nous avons des talents qui ne sont
même pas au second tour, ça veut dire qu’il y a quelque chose qui se passe.
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Babatoundé Constantin NOBIME |
L’autre chose, c’est que nous n’avons pas encore fini de parler de
l’organisation de CONAVAB au plan national et on passe à l’international.
Quelles sont les critères à l’international ? Est-ce qu’ils vont dans ces
pays chercher des gens qui viennent seulement faire la compétition ?
Est-ce que dans ces pays CONAVAB se déroule aussi sur les radios comme
ici ? On n’en sait absolument rien.
Il y a du flou. Maintenant, depuis quand la musique traditionnelle à
rapport avec la musique moderne ?
Parce que pour nous, Kalamoulaï a fait de la bonne musique traditionnelle
de chez lui et on le fait compétir sur une édition de la musique moderne. CONAVAB est devenue une compétition
christianisée, ou un four tout qui met tous les artistes dans le même paquet.
Il y a du folklore.
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Magelie BADJOGOUME |
Magelie Elodie Badjogoumè, Directrice Marketing et Manager
d’artistes : oui CONAVAB je connais bien la compétition, pour l’avoir
suivie quelques fois par le passé sur les antennes des radios et certaines des
finales à la télé. Ecoutez, en Afrique déjà, les choses sont toujours
transparentes au départ, mais à la longue, elles dégénèrent. Mais pour nous
béninoises et béninois, si le Trophée de la CONAVAB doit être négociable, moi
je pense que la compétition n’a plus sa raison d’être. Pour moi, toute chose,
qu’on entame dans cette vie, on veut aller de l’avant, étendre les jalons, mais
pour CONAVAB est-ce qu’on a déjà fini de maîtriser le terrain qu’est le
Bénin ? Est-ce que la base est déjà aussi solide que ça pour viser
l’international ? Je suggérerais au promoteur, de faire un rétrospectif,
histoire de rasseoir les bases d’une compétition qui faisait la fierté de tout
un pays, en bonne et dure forme avant de relancer. Pour moi c’était une grosse surprise, que ce
soit Marx Sèdégan qui décroche le trophée de la CONAVAB Inter 2014 devant
Kalamoulaï. Quelles sont les critères de notations ? En tant que
béninoise, je ne peux être que fière d’une telle compétition, mais est-ce que
la CONAVAB est toujours transparente ?
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Edonelle FADONOUGBO |
Edonelle Fadonougbo, Etudiante en année de Licence, en Management des
Ressources Humaines : très sincèrement, la CONAVAB au départ était une
compétition qui m’intéressait beaucoup, mais par la suite, j’ai pris un dégoût,
car elle est devenue une compétition politisée. C’est comme si les
organisateurs cultivent un favoritisme et du coup depuis un certains temps moi
je ne m’intéresse plus à ça. Ceci veut dire que je n’ai même pas suivi
l’édition 2014 de la CONAVAB. Je connais Kalamoulaï et Marx Sèdégan en tant
qu’artistes, mais je ne sais vraiment pas le poids que le dernier fait à côté du premier,
musicalement, artistiquement parlant et n’oublions pas le talent aussi. Ecoutez
je ne peux même pas me prononcer, je n’ai rien n’à dire aussi au promoteur car
il a tout compris.
José Akan, Consultant Endogène : CONAVAB, j’entendais parler,
mais c’est devenu un jeu de truquage. Nous autres nous osons dire à notre ami
Patrice Ahouloumè que sa compétition est politisée depuis fort longtemps. Les
béninois appelaient les radios parce qu’ils adulaient cette compétition, mais
depuis les choses ont changé, c’est devenu un jeu de commerce aujourd’hui ou
l’artiste qui a le plus d’argent se retrouve en finale et devient champion.
Cette année lorsque moi j’ai appris que c’est Marx Sèdégan qui a gagné, mais
j’ai dit merde, puisqu’il y a des talents plus convainquant que lui. Je ne me
retrouve plus dans cette compétition et je demande à Patrice Ahouloumè de
revoir sa copie, sinon nous autres c’est notre culture et à allure où vont les
choses, si rien ne change, nous allons le destituer. Car le Bénin appartient à
nous tous. Il faut évoluer.
Martial Fourdi, Enseignant dans les collèges et lycées du Bénin :
j’ai connu cette compétition depuis que j’étais encore au collège, mais de nos
jours c’est comme si la compétition est presque inexistante. Si au départ l’initiative voudrait valoriser
la musique traditionnelle, celle moderne et les artistes béninois, elle est
politisée depuis longtemps. Sinon CONAVAB aujourd’hui se résume, pour moi à
quelques spots publicitaires à la télé, ensuite une compétition est lancée et
quelques jours après, et ceci après truquage on retrouve un artiste de leur
choix champion, qui n’est plus forcément le choix des auditeurs de cette
compétition là. Voilà CONAVAB désormais. Moi j’étais un fidèle auditeur de
cette compétition, mais depuis je ne la suis
plus, je n’entends parler qu’à la volée à la radio, mais je ne taille
plus d’importance à cela, car au Bénin tout est politisé, jusqu’aux
compétitions culturelles qui doivent relever les valeurs de notre patrimoine
culturel. Non mon dégoût a fait que je n’ai pas suivi l’édition de cette année,
parce que je ne suis plus un fan et aussi parce que souvent les artistes sur
qui on mise au finish, ne gagnent plus. C’est ce qui fait que beaucoup de nous
auditeurs, ne suivent plus cette compétition, parce qu’il n’y a plus de
crédibilité. Aussi les finalistes ne sont plus du goût des auditeurs, qui
apprennent par finir qu’un artiste qui n’est pas de leur goût a gagné et c’est
la désolation. Voilà un Kalamoulaï, artiste de valeur du Septentrion comme moi,
très attaché à sa tradition et qui chante
et véhicule à travers ses chansons plusieurs messages. Mais dire que cet
artiste échoue en finale face à Marx Sèdégan, prouve toute la cacophonie qui
s’observe au niveau de CONAVAB. Ce n’est
plus les valeurs culturelles qui sont promues, mais ce sont plutôt les valeurs
financières sélectionnées dans le rang des artistes qui sont promues. Mieux
vaut surseoir ou suspendre carrément cette compétition, car une refondation
s’impose au niveau de la CONAVAB.
Propos recueillis par Patrick Hervé YOBODE