‘’3 L Ifèdé est un gage de combat et traduit mon amour pour la culture béninoise’’
Acteur culturel engagé, il est un jeune pétri de talent et très dense
dans les domaines des arts et de la culture. Connu pour son talent dans le
théâtre, la danse et le cinéma, Eric Orphé Gnikpo s’est fait formé dans
plusieurs hautes écoles des arts en France, comme l’école de théâtre Eponyme. Il
a été recruté à l’école française Montaigne pour former les élèves dans
plusieurs secteurs des arts et de la culture. Ici comme en France il aura
partagé ses connaissances et ses expériences avec la jeune génération, pendant
plus d’une dizaine d’années. Eric Orphé Gnikpo, très ambitieux et très
pragmatique poussé par son amour pour la culture béninoise, vient de doter son
pays d’un grand ensemble artistique et culturel dénommé 3 L Ifèdé. Depuis un
peu moins de trois ans, cet ensemble fait son petit bonhomme de chemin. Dans
cette interview, il nous parle de son absence, des 3 L Ifèdé et de quelques
créations et finit par lancer un appel au Fond d’aide à la culture et aux
mécènes pour donner vraiment corps à ses rêves.
Eric Orphé Gnikpo |
Présentez-vous aux lecteurs du journal ?
Eric Orphé Gnikpo, acteur
culturel béninois. Fondateur du Complexe artistique et culturel 3 L Ifèdé.
Oui acteur culturel engagé, on vous a connu par le passé, mais à un
moment donné, vous avez disparu des radars, du théâtre, du ballet. Qu’est-ce
qui justifiait cette disparition ?
Vous savez que dans le domaine
artistique, il y a plusieurs corps de métiers. Et moi je fais partie de ceux
qui pensent que la formation est capitale. Donc mon gros souci à l’époque était
de partager mes connaissances, je ne voulais pas être celui là qui donnait
spectacle pour que les autres viennent voir. Je voulais libérer mes modestes
expériences à la génération future. Ce qui a fait qu’à l’époque j’ai accepté un
contrat suffisamment lourd que j’ai trouvé à l’école française Montaigne. Et comme
on le dit chez nous, ‘’l’artiste n’a pas de salaire’’, mais si ton travail te
permet d’avoir un salaire quelque part, il ne faut pas le négliger. Donc j’étais
engagé à Montaigne et j’y suis resté pendant plusieurs années avec chaque année
plus de 400 élèves à coacher. J’étais là donc pratiquement tous les jours et
quand tu finies les cours, ce n’était pas la joie, tu n’as plus envie de faire
autres choses. Aussi ça avait commencé petitement, c’est-à-dire d’une heure d’essaie
on est passé à 2 heures, 3 heures et ainsi de suite jusqu’à se retrouver à plus
de 18 heures par jour. C’était vraiment costaud. Et quand tu finies l’année, d’autres écoles
se retrouvant dans le même réseau que
Montaigne et dont les directeurs ont eu écho de mes compétences dans le
secteur, du théâtre, du ballet et du cinéma, me font appel. J’allais
régulièrement en France pendant les congés et les vacances, pour donner des
cours dans ces matières dans plusieurs écoles. Voilà ce qui justifiait cette
disparition de plus d’une dizaine d’années des planches et autres scènes.
Beaucoup vous connaissaient en effet, très talentueux, mais plus de 10
ans d’absence, il y a
forcément une ou deux générations d’artistes après la
vôtre qui se diront d’où sort-il lui. C’est ici le lieu de revenir brièvement
sur votre parcours non ?
Oui tout a fait. Nous avons fait
nos armes dans plusieurs compagnies théâtrales à l’époque et après au fil des
années nous avons fait assez de collaborations. Mais les gens m’ont plus connu
sous la bannière de la troupe de Ballet Djolokoko. Il faut dire que mon arrivé
au ballet s’était opéré de façon banale. J’étais en effet, sur un projet du
grand frère Eric Hector Hounkpè, aussi mon professeur dans une université
privée de la place à l’époque. Ce dernier dans ce qu’il m’a confié, voulait
quelques pas de danse, mais il voulait pour cela un professionnel du domaine. Je
lui avais dit plusieurs fois que pouvais faire ce qu’il voulait, hors en ce
temps là je n’avais même pas encore connu la troupe de ballet, je n’aimais même
pas ce milieu. Par finir, il me laissa et j’avais réussi ce qu’il voulait. De là,
je me suis dis tien, le grand frère pouvait me demander davantage à tout
moment. C’est donc dans cet ordre d’idée que j’ai intégré la troupe de ballet
et très rapidement ça avait pris. J’étais dans les premiers rôles, j’étais sur
toutes les scènes et partout. Donc en réalité c’est Eric Hector Hounkpè qui m’a
poussé vers la danse et le ballet, sans le savoir. J’étais très talentueux et
très sollicité, mais très effacé parce que c’est ma nature.
Ce talent enfoui qui sommeillait en vous, vous poussera des années plus
tard à doter le Bénin d’un grand complexe culturel, de quoi s’agit-il ?
C’est vraiment vaste hein, je
suis très ambitieux. La troupe de ballet qui est aujourd’hui plus reconnue fait
partie d’un grand ensemble, le Complexe artistique et culturel 3 L Ifèdé. Ce complexe
comprend plusieurs sections dont : le ballet, le théâtre, le cinéma et
autres. Cinéma parce qu’en France j’ai suivi des formations dans ce domaine et
à Montaigne je m’occupais de cela aussi, avec chaque année au moins deux
productions école. Mais au sein des cinéastes béninois il serait difficile de
me compter, parce qu’ici on ne me connait pas ce côté. Ce complexe est né des
suites d’un voyage à Lausanne en Suisse où j’étais sur un festival. Parmi la
trentaine de pays, seul l’Afrique du Sud était le pays qui représentait l’Afrique.
J’ai eu alors la chance de collaborer et de travailler avec des volontaires et
les organisateurs sur ce festival. Ayant été membre de l’encadrement du ballet
national et voyant ce qui se déroulait sur ce festival, l’idée de fonder un
grand ensemble à germer en moi. Puisque ici nous avons tout, il y a des
danseurs, des hommes de théâtre, des percussionnistes, etc. ce qui nous manque
jusque là, c’est des acheteurs de spectacles. Ce réseau de professionnels qui
nous permettra de mieux vendre nos productions à l’extérieur. Donc depuis là-bas
j’ai pris contact avec des amis ici, dont Sakpata Zogbo et à mon retour, en
décembre 2011, le Complexe artistique et culturel 3 L Ifèdé a vu le jour. Le contexte
et le milieu sont difficiles, mais on se défend.
Alors pourquoi 3 L Ifèdé ?
Ce nom parce que mon premier
geste avait donné des triplettes. Trois filles, Luxe, Lucette et Lucia, mais
malheureusement. Donc hommage à elle et pour moi c’est une manière de les
immortaliser. Et chaque fois que j’entends 3 L Ifèdé sortir de la bouche de
quelqu’un je me dis qu’elles sont toujours là. Ifèdé qui veut dire l’amour est
né est le nom de celui qui a suivi les jumelles, voilà pourquoi 3 L Ifèdé. Pour
moi aussi ces trois filles représentent le conseil d’administration et moi je
leur rends compte et c’est connu dans le groupe, c’est purement spirituel ce
que je dis là mais c’est une réalité. 3 L Ifèdé traduit aussi pour moi mon
amour pour la culture béninoise et c’est en même temps un gage de combat qui me
permet de m’éloigner petitement de cette grande école qui me prenait tout mon
temps. Sauf que le directeur de Djolokoko m’avait prédit cela, il disait, Orphé
tu en arriveras à créer et à diriger un grand ensemble, je n’y croyais pas mais…
3 L Ifèdé au bout de 2 ans d’existence, ça fait combien de créations
dans l’ensemble ?
Il y a la section théâtre qui n’a
pas encore créé un grand spectacle, mais qui rompt le silence quand nous invite
sur des manifestations. En ce qui concerne le ballet il est beaucoup plus
présent avec par an plus de 70 animations. En 2013 nous étions sur le festival
Radar acte I au Burkina Faso avec notre première création ‘’Sillons Tortueux’’
fait de théâtre et de danse. Présenté au café des arts, cette création a été
achetée par les Sœurs Salésiennes et nous l’avons joué plus d’une vingtaine de
fois, dans les quartiers, puisque c’est un théâtre de sensibilisation, un
théâtre forum. Un spectacle qui a bien tourné. Nous étions également avec d’autres
délégations béninoises sur un festival en Cote d’Ivoire. Après cela nous avons
créé ‘’Tanougou’’ et actuellement nous sommes en pleine création d’un autre
spectacle intitulé ‘’ Ilé Orisha’’, qui est essentiellement basé sur nos
valeurs endogènes. Ce n’est pas une création élitiste, mais un théâtre africain
très vivant où le public est impliqué dans le spectacle. Ayant fait des années
de formation en théâtre à l’école Eponyme de Paris, j’ai été convaincu que nous
n’avons rien à vendre aux autres peuples que notre culture. Donc ‘’Ilé Orisha’’
est déjà acheté et sera au Togo, au Burkina Faso et en juin au Congo.il nous
faut maintenant que le fond d’aide nous appui pour nous permettre d’aller de l’avant.
Un mot pour conclure cette interview ?
Ce serait d’abord remercié mes
collaborateurs et mes ainés Koffi Adolphe Alladé, Stanislas Dégbo, Marcel
Zounnon et autres, qui me soutiennent et qui m’associent aux événements. Merci aussi
à ces agences de communication qui nous font confiance et qui travaillent avec
nous. Je finirai par un appel aux mécènes et aux bonnes volontés de nous aider,
car on ne peut pas tout faire tout seul et aux 3 L Ifèdé, nous faisons toutes
les danses du Bénin, donc c’est du lourd, il nous faut des moyens. Pour finir,
un grand merci à notre journal l’Informateur, à son DG et à tout son personnel.
Propos recueillis par Patrick Hervé YOBODE
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