dimanche 30 septembre 2012

Entretien avec YAK-LAY Design



‘’L’allure que j’ai, c’est l’allure classique, moi je vise ce qui est compliqué, je n’aime pas la facilité’’


YAK-LAY Design ou la griffe du professionnalisme à la mode
A l’état civil, Hyacinthe Edmé K. Lalèyè, l’homme qui par son nom de créateur capte l’attention, tient une boutique de mode à Cadjèhoun Cotonou. YAK-LAY Design est créateur, styliste, modéliste de renommée internationale. Pour autant l’homme ne s’affiche et aime le travail dans la complète discrétion. Ce passionné de la mode a hérité la création de ses parents et s’était lancé dans l’aventure depuis la classe de 3ème. Après ses hautes études en textile, stylisme et modélisme à Ankara en Turquie, l’homme n’a cessé de susciter de l’engouement dans l’opinion publique nationale et internationale.  Avec un dizaine de distinctions dans la création, YAK-LAY Design nous a reçus dans son Show Room pour un entretien dont voici la quintessence.

Depuis quand YAK-LAY Design est venu dans la mode ?

C’est une longue histoire. Il faut dire que j’ai hérité la mode de mes parents donc, depuis la classe de 3ème j’étais déjà dans la mode. Je jumelais les études et la mode. C’est arrivé en année de Licence en Télécommunication, que j’ai eu une bourse en textile, stylisme et modélisme qui m’a permis d’aller à Ankara en Turquie, où, j’ai fait un stage afin de perfectionner et de parfaire mes connaissances dans la mode. Après cela, j’ai ouvert un Show Room à Cadjèhoun où je travaille toutes sortes de tenues.

Quelle est la collaboration que tu tiens avec les autres stylistes que tu as rencontrés tout au long de ton parcours ?

J’avoue que j’ai rencontré beaucoup de créateurs et parlant de collaboration, c’est vrai que je n’aime pas trop les liens d’amitié. J’aime beaucoup plus travailler dans la discrétion. Mais j’avoue que je m’entends bien avec les créateurs béninois et étrangers, on s’appelle mais on n’est pas trop lié en fait.

Lors de la 1ère édition de la Nuit du Pagne, le public a vraiment apprécié tes créations, comment travailles-tu le tissu pour en sortir de si belles tenues ?

Je reconnais que j’ai une ligne propre à moi, j’ai un style propre à moi et je n’aime pas copier les autres. L’allure que j’ai, c’est l’allure classique. J’aime habiller les dames, pas trop les jeunes filles, parce que, ce que les jeunes filles portent, c’est ce qui est faisable par tous les créateurs, mais moi je vise ce qui est compliqué, je n’aime pas la facilité. Remarquez quand même que si mes tenues paraissent simples, c’est des tenues qui sont conçues à base de patron. Je ne travaille pas sans patronage, ceci justifie le fait que mes tenues ne peuvent être copiées, que par celui qui a fait une haute école de couture. Je m’inspire des cours de couture, des cours illustrés des patrons et juste ce qui plait à mon entourage, parce que dans la mode, il faut s’adapter forcément à ce qui t’entoure.

Tout  au long de ton parcours, tu as raflé des trophées, parle-nous brièvement des prix que YAK-LAY Design a décroché déjà dans sa carrière ?

J’ai eu des prix, ce trophée que vous voyez sur mon bureau, je l’ai eu cette année lors de FESMMA 2012 où sur 5 concurrents, j’étais le 1er créateur. A part cela, j’ai eu d’autres prix comme le prix d’honneur à la journée du textile en janvier 2011 avec la Perle Noire, lors d’un défilé diffusé sur le plan international, j’ai eu un autre prix à Ouagadougou et beaucoup d’autres distinctions. Actuellement, je suis entrain de travailler avec Vlisco, un partenariat nous lie et me permet de développer une autre ligne d’habits, qu’on appelle couramment les drapées. C’est tout naturellement que ma prochaine collection va beaucoup plus s’appesantir sur les drapées.

Comment vit la création au Bénin et quel est l’accueil que réserve le public aux créations des stylistes que vous êtes ?

Bon j’avoue quand même que le public apprécie mes travaux. J’ai remarqué que ce qui les sidère plus actuellement, c’est les drapées. Vous allez souvent entendre parlant de YAK-LAY Design, c’est le jeune qui fait les drapées là, au fait les drapées c’est quelque chose qui n’est pas trop courant. Vous voyez, les créateurs s’habituent souvent à la confection des habits. Les drapées, tu peux prendre un pagne et faire avec des épingle une tenue et on va croire à une confection. C’est en fait ça qui fait grandir plus mon nom au Bénin et partout ailleurs.

Justement par rapport à ce public, parle-nous de ces personnalités que YAK-LAY Design habille ?

Rire…. Parlant de personnalités, c’est une croix rouge, Rire. C’est une croix rouge parce que mes clients m’empêchent de dire aux gens que je les habille. Ils m’interdisent même de mettre leurs noms dans mon cahier de mesure et me contraignent à abréger. Je me rappelle une fois, j’ai appelé le nom d’une cliente à quelqu’un et lorsqu’elle a appris elle était fâchée. Entre ma clientèle et moi c’est la confidentialité. C’est ce qui justifie d’ailleurs la faible affluence ici à la boutique.

Alors ne penses-tu pas que cette confidentialité fait entorse à ta carrière et à ta renommée ?

Tout à fait, mais je pense que je n’ai pas le choix, ça porte entorse mais c’est des gens qui payent bien et il faut reconnaitre qu’ici au Bénin, il y a très peu de gens qui payent bien. Il y a très peu qui reconnaissent la valeur des créateurs, c’est d’ailleurs pour cette raison que je n’aime pas habiller les jeunes filles. C’est souvent les dames, les personnalités, voyez-vous. Il faut donc pas perdre la confiance de ceux là et dans la mode ce n’est pas un nombre élevé de clients qui importe, le mieux c’est d’abord la confiance du peu qu’on a.

Quels sont tes projets à court, moyen et long terme ?

Actuellement, j’ai la pression de part et d’autre. Les gens n’arrêtent pas de me forcer pour ma propre collection, donc je suis entrain de prévoir d’ici trois mois, c’est-à-dire à mis décembre, quelque chose afin de montrer au public ce que je fais et qui je suis dans cette jungle de la mode. Parlant de projets, c’est le défilé. Mais quand il s’agit de mes visions, je parlerai de ma maison de mode qui doit être constituées d’une centaine de machines industrielles, des fers à repasser industriels avec plus de 100 employés et où le travail se fera à la chaîne. Il y a également l’ouverture d’une haute école de couture ici au Bénin.

Un mot à l’endroit des béninois afin qu’ils adoptent les créations des stylistes locaux que vous êtes ?

Le public béninois, actuellement s’attache aux créations des créateurs que nous sommes, contrairement aux années antérieures. Je voudrais humblement leur demander d’accorder davantage du prix au pagne et aux créations des créateurs et stylistes de chez eux. Je remercie ceux là qui m’ont fait confiance et qui ont adopté mes créations.

  

Miss Campus 17ème édition




Adéyèman Arlette de la FADESP sacrée Miss université



Miss Campus 2012 et ses Dauphines
Activité culturelle phare du calendrier culturel de l’université d’Abomey-Calavi, l’élection de la plus belle fille du Campus a connu sa 17ème édition cette année. Ce concours de la beauté estudiantine qu’organise chaque année, le bureau directeur du comité des résidents, met en compétition les plus belles filles des facultés de l’enseignement supérieur au Bénin.  La 17ème édition placée sur le haut patronage de la première femme chimiste au Bénin et directrice du centre des œuvres universitaires et sociales d’Abomey-Calavi (COUS-AC), Mme Eléonore Yayi Ladékan, a réuni 7 concurrentes pour une seule couronne.  Les Miss élues de Faculté des lettres, des arts et sciences humaines,(FLASH) ; de la Faculté des sciences et techniques (FAST) ; de la Faculté de droits et des sciences politiques (FADESP) ;  de l’Ecole nationale de l’économie appliquée et de management (ENEAM) ; de l’institut national de la jeunesse, de l’éducation physique et sportive (INJEPS) ; de la Faculté des sciences économiques et de gestions, (FASEG) et de l’Ecole polytechnique d’Abomey-Calavi (EPAC).  Sans sponsors pratiquement, le BDCR avec l’appui combien inestimable de Eléonore Yayi Ladékan a pu tenir le pari de l’élection de Miss Campus 2012.

Eléonore Yayi Ladékan D/COUS-AC  Marraine de l'événement

  C’est donc dans la douleur que le bureau a organisé le vendredi 28 septembre au théâtre de verdure du Hall des Arts et Loisirs de Cotonou cette élection pour ne pas fait entorse aux activités inscrites au programme du BDCR pour 2013. A l’issue des différents passages, ce fut Arlette Ganiath Adéyèman de la FADESP qui a retenu l’attention du public et du jury.  Avec sa couronne, elle remporte également une moto dame de marque Dayang, une enveloppe financière de 100 mille F CFA et pleins d’autres lots.  Elle a pour 1ère dauphine, Floriane Affo de la FLASH qui s’en tire avec un mini ordinateur portable, une somme de 75 mille F CFA, des bons de formations en anglais et autres. La 2ème dauphine a nom Nadiyatou Faton de la FAST, elle s’en sort avec un ordinateur portable, une enveloppe de 50 mille F CFA, des bons de formations et d’autres lots. Le comité d’organisation heureux du dénouement de cette édition de Miss Campus, décerne son satisfecit total à Mme Eléonore Yayi Ladékan pour son soutien sans faille.

mardi 25 septembre 2012

Entretien avec Elvyre Larissa Somassè




‘’Les femmes doivent se mettre en valeur en créant leur propre univers de beauté’’.


Elvyre Larissa Somassè Fondée de l'Institut de beauté 2ème Image
Dans l’univers de la beauté au Bénin, les instituts, écoles et centre d’esthétique sont légions mais ne se ressemblent pas. Depuis bientôt un an, cette école qui a installé son hégémonie et que convoitent femmes et hommes, pour prendre soin de leur corps n’est autre que l’Institut de Beauté 2ème Image. Fondé par Elvyre Larissa Somassè, une dame qui maîtrise tous les rouages du métier, 2ème Image est au cœur de toutes les attentions. Pour cette créatrice d’images que nous avons rencontrée et dont tout le monde en parle, prendre soin de son corps doit être un réflexe pour chacun et pour tous. Amoureuse de l’esthétique, remplie de vie et soucieuse du bien être de sa clientèle, Elvyre Larissa Somassè nous a accordée une interview dont voici la teneur.

Nos lecteurs seront ravis de vous connaitre plus amplement ?

Je suis Elvyre Larissa Somassè, je suis née à Cotonou et c’est cette même ville qui m’a vue grandir. Je suis donc béninoise, plus précisément d’Agonlin. Je suis très passionnée d’esthétique et avec cette envie qui me brûlait, j’ai arrêté les études en classe de 1ère au cours secondaire Notre Dame des Apôtres de Cotonou pour me consacrer au métier de mes passions.

Quel a été votre parcours dans ce monde de la beauté ?

La Fondée au travail
J’ai appris l’esthétique à Paris-Bénin Esthétique, une école d’envergure reconnue pour sa rigueur et la qualité des ses prestations. Il y a un peu plus de 5 ans, après avoir reçu mon parchemin, j’ai mis le cap sur la capitale ghanéenne où je me suis perfectionnée en  complétant ma formation. A Accra, j’ai également appris le Hair Dressing ou encore le Weeding Hair, une spécialité et une autre façon de se coiffer, de se tresser pour les grandes cérémonies de mariage. C’est après ce parcours jonché de découvertes et d’expériences dans le domaine que j’ai fondé mon propre Institut de beauté.

Alors pourquoi 2ème Image ?

2ème Image parce qu’il faut se donner une image. Ecoutez nous naissons tous beaux, même si la beauté est relative. La 1ère image, c’est celle que Dieu nous a donné, la seconde c’est celle-là que l’esthéticienne crée. D’ailleurs, le rôle et le souci premier de toute esthéticienne doit être de créer une autre image du client ou de la cliente afin de rehausser la beauté, cette 1ère image que Dieu nous a gracieusement accordée.  C’est ça 2ème Image qui est crée depuis un an, plus précisément le 27 décembre de l’année écoulée.

On a constaté depuis notre arrivée une affluence des grands jours et d’ailleurs depuis un certains temps, on entend parler que de vous et de 2ème Image, comment justifiez-vous cela, quel est votre secret ?


Ecoutez ce métier, c’est ma passion, ma vie. Depuis mon enfance, je massais les jambes de mes parents et une fois excitée par les publicités de Paris-Bénin Esthétique j’ai décidé d’apprendre ce métier que j’affectionne. Je me donne à fond à ce que j’aime le plus. Il n’y a pas de secret sauf que je suis à l’écoute de ma clientèle. J’essaie au mieux de jouer le rôle du psychologue histoire de permettre aux clients de se distraire, de se mettre à l’aise. Ce métier, c’est un métier exigent qui demande beaucoup de sacrifices, mais si vous aimez la chose, vraiment comme c’est le cas chez moi, vous vous sentirez très à l’aise même avec les contraintes.

Pour vous, c’est quoi la beauté ?

D’abord elle est relative d’une personne  à une autre. C’est valorisé la 1ère image que Dieu nous a donnée. Mais l’esthétique n’est pas que la beauté. C’est un art qui met en valeur ce qui est beau. C’est ce détail intrinsèque, insoupçonnable qui fait que l’autre prend plaisir à votre présence.

Quels sont les services que 2ème Image propose au public ?





Nous faisons un peu de tout, tout ce qui ressort de l’esthétique. Le massage, le soin du corps, le soin du visage, le forfait mariage, la pédicure et la manicure, maquillage permanent, les rituels du Hammam, les épilations à la cire, les différentes sortes de maquillage, Jour, Nuit, Mariés et Artistique.
2ème Image bien assis

Selon vous, les femmes béninoises accordent-elles du prix à l’esthétique, aiment-elles mettre en valeur leur corps ?

Je ne pense pas, les femmes béninoises considèrent cela comme un luxe. Elles attendent d’être nommées ministres avant d’accorder de l’importance à l’esthétique et à la mise en valeur de leur corps. On ne peut plus continuer comme cela. Les femmes et les hommes aussi doivent comprendre que la beauté est un tout. Le corps de la femme a besoin de soin régulier et permanent, les femmes doivent se mettre en valeur en créant leur propre univers de beauté.

Un mot à l’endroit des béninois, béninoises en général et de votre clientèle en particulier ?

Je remercie toute la population  béninoise et tous ceux et celles qui ont cru en moi, qui m’ont fait confiance, qui ont testé mes services et qui les ont adoptés, je dis merci. Je profite de l’occasion, pour dire encore une fois aux béninois, aux béninoises et à tout le monde que la beauté n’a pas de prix, par conséquent il faut entretenir son corps, mettre en valeur sa beauté.

 VOTRE INSTITUT 2EME IMAGE EST OUVERT TOUT LES JOUR DE 8H A 20H ET LES DIMANCHE SUR RENDEZ VOUS. IL EST SITUE EN BAS DE L'échangeur DE GODOMEY EN FACE DE BEKO AU MILIEU DE KINOTHIMS 2000 ET DE L’HÔTEL  PEACE AND LOVE DE GODOMEY; POUR PLUS de RENSEIGNEMENT VEUILLEZ  CONTACTER LES NUMÉROS QUE VOICI (00229)21 35 08 86/ (00229) 97 76 97 97/ 94 34 46 35

Théâtre

Paroles de corps ou Corps en Paroles : Wopso


Nous poursuivons notre zoom sur le Festival d'Avignon 2012 avec Wopso ! jouée dans le cadre des TOMA (Théâtres d'Outre-Mer en Avignon) à la Chapelle du Verbe incarné.
 
Cette pièce martiniquaise a été écrite par Marius Gottin en 1996 et mise en scène dès 1997 par José Exélis, directeur de la Compagnie des Enfants de la mer, avec Émile Pelti et Charly Lérand dans les rôles de Fulbert et d'Auguste, deux personnages que les comédiens incarnent maintenant depuis plus de quinze ans. Wopso ! peut être considérée comme un classique du répertoire théâtral martiniquais car cette pièce n'a cessé d'être jouée dans la Caraïbe (dont plus de soixante-dix représentations en Martinique depuis sa création) avec toujours le même accueil chaleureux. On peut s'interroger sur les raisons d'un tel succès. L'auteur Marius Gottin (1) fut aussi chroniqueur sur des radios martiniquaises dont RCI (Radio Caraïbe Internationale) ; il savait narrer la vie des petites gens, comme en témoigne Wopso ! qui met en scène deux hommes en attente de leur avion pour Sainte-Lucie, île voisine de la Martinique. Ce temps de l'attente propre à l'espace froid et impersonnel qu'est un aéroport - lieu de passage, de transition, lieu de l'entre-deux - favorise le surgissement du passé : les anecdotes individuelles de chacun des deux compères se mêlent aux événements politiques et sociaux d'une époque. Cette situation dramatique n'est pas sans rappeler celle d'En attendant Godot de Samuel Beckett (2) - où les deux complices que sont Vladimir et Estragon attendent et tuent le temps en parlant, en se racontent leur vie - ou celle plus caribéenne de Mémoires d'isles d'Ina Césaire (3) qui nous donne à entendre les histoires de vie d'Aure et Hermance, deux vieilles Martiniquaises qui échangent leurs souvenirs au soir de leur vie. Dans les trois cas, une fin de vie se profile avec la parole, les mots pour combler le vide, l'attente de la fin ou l'attente d'un départ vers un ailleurs, un-au-delà.

Wopso ! met en scène deux personnalités hautes en couleur de la société martiniquaise : la langue de chacun des deux personnages, les intonations, le rythme de la parole, le corps tout entier témoignent d'une appartenance à la culture créole dont Auguste et Fulbert sont les fiers représentants. José Exélis place le corps au centre de sa mise en scène, un corps porteur d'une histoire personnelle mais aussi collective, d'une culture, d'une société spécifique, la société caribéenne. Le corps tout entier parle en effet dans cette pièce à travers les voix d'Auguste et de Fulbert qui racontent chacun à leur tour des anecdotes passées, nous livre des fragments de vie désordonnés qu'il convient de rassembler pour mieux comprendre qui sont ces deux compères et les liens complexes qui les unissent. La parole reste centrale dans ce théâtre narratif où il est avant tout question de mots, de récits imbriqués les uns dans les autres mais sans lien évident entre eux : il n'y a pas d'intrigue, pas d'action proprement dite si ce n'est dans la parole, une parole qui se met en scène, prend corps, s'incarne dans le jeu admirable des comédiens. Pelti et Lérand jouent de leur voix comme d'un instrument de musique avec vélocité, dextérité en faisant varier les intonations, le rythme, le volume, en jouant avec les onomatopées, les tics de langage spécifiquement antillais (comme le tchip sur lequel s'ouvre la pièce et qui marque le mécontentement ou le désaccord).

Le dialogue vif et enjoué de ces deux amis de longue date, unis par une sincère amitié et une grande complicité, laisse cependant deviner une rivalité sous-jacente, notamment dans leurs rapports aux femmes comme le suggère le souvenir récurrent d'une certaine Paulette, mais aussi dans leur lien à la culture caribéenne elle-même car Auguste se moque ouvertement de Fulbert à qui il reproche de ne pas savoir danser, chanter, conter. La parole devient ainsi un terrain où s'affrontent les deux hommes qui règlent leurs comptes, se cherchent, se défient, parlent chacun de leur côté, s'interrompent mutuellement. On assiste à une véritable joute verbale et physique où les répliques s'entrechoquent, où les corps se dressent l'un contre l'autre comme dans la danse du damier (4). Le duel se fait parfois duo avec des effets de choralité et des jeux de répétition et de variation : l'expression "pauvre de nous !" est reprise sur tous les tons et les différentes modulations font varier le sens même du syntagme ; la réplique "elle m'aimait, non" prononcée par Fulbert avec une intonation interrogative est ensuite reprise ironiquement par Auguste qui en fait une phrase déclarative et provoque ainsi son compagnon. Le dialogue est aussi ponctué d'interjections comme wopso ! qui donne son titre à la pièce sans rien signifier de précis mais comme marqueur d'un rythme, d'un souffle. On retrouve toute la virtuosité du conteur traditionnel créole dont les deux compères sont les héritiers sans en être les pâles imitateurs. Le yé krik et le yé krak lancés par Auguste ne sont pas là pour relancer la narration comme le veut la tradition mais pour l'interrompre, l'entraver, la perturber. C'est là l'un des tours de force de cette mise en scène de José Exélis qui transforme la tradition orale créole dans laquelle il puise sans l'imiter mais pour créer, innover, inventer.

L'alternance du français et du créole, conforme à l'oralité caribéenne, contribue en outre à la très grande musicalité du dialogue non seulement par l'effet de variation immédiatement audible sur la scène mais aussi parce que le créole est une langue beaucoup plus imagée, poétique et rythmée que le français : ses accents marqués, ses sonorités vibrantes confèrent à la parole une vraie tonicité, surtout quand Auguste accélère le rythme et fait tournoyer les mots au point que le sens se perd, stratégie utilisée par le conteur créole sur la plantation pour échapper à l'entendement du maître. On remarque que cette langue créole "marronne" se fait davantage entendre dans la bouche d'Auguste qui est celui qui mène le jeu, invite son compère à entrer dans la danse ; il incarne ainsi peut-être davantage la tradition populaire, la figure du conteur qui se plaît à travestir la parole et à détourner le sens. Même si les deux amis passent successivement du français au créole et inversement, Auguste est celui des deux qui parle davantage créole et manipule avec vélocité cette langue, ce qui peut laisser supposer qu'il appartient à une classe plus populaire que Fulbert (5). Cette hypothèse se confirme par la casquette qu'il porte alors que son acolyte est affublé d'un chapeau, signe d'appartenance à une classe sociale plus favorisée ; Auguste est aussi celui dont les chaussettes sont déchirées, ce que ne manquera pas de lui faire remarquer son ami moqueur ; il est encore celui qui emporte avec lui dans sa valise une bouteille de rhum, alcool typiquement antillais, et enfin celui qui décide de jouer du tambour, attribut du conteur, et invite son ami à se joindre à lui.

Les nombreux chants entonnés tout au long de la pièce par les deux amis participent également grandement à la musicalité de ce spectacle tout comme à l'affirmation d'une identité caribéenne. Ces chants sont systématiquement associés à des danses : il n'est pas une parole qui ne soit accompagnée d'un geste, d'un mouvement. Le corps tout entier parle, vibre, vit et dit autant sinon plus que les mots, car il offre à l'acteur une grammaire, un langage, une partition. Ces chants font en outre entendre la grande diversité musicale de la Caraïbe : on passe des rythmes de salsa, de biguine, de mazurka à ceux du tambour et même à l'opéra qu'entonne Fulbert et qu'interrompt Auguste par des rythmes de salsa, comme si la culture musicale occidentale entrait en rivalité avec la musique caribéenne. Le tambour, instrument central dans la culture créole, symbole d'affirmation culturelle et de résistance dans la Caraïbe, se fait entendre à plusieurs reprises tout en restant invisible. C'est là un autre tour de force de cette mise en scène que de faire entendre la musique sans qu'aucun instrument ou quasiment aucun instrument n'apparaisse sur la scène (6) : les voix, les corps, les éléments du décor deviennent musique. Les battements de mains sur les genoux, le torse ainsi que les sons gutturaux crées avec la bouche font entendre les rythmes du tambour. Un banc en fer blanc et un cube noir et blanc sont également mis à contribution : le cube devient un tambour sur lequel Auguste frappe avec ses mains et ses pieds tandis que Fulbert accompagne ses battements par les tiboités traditionnels (7) improvisés sur le banc à l'aide de ses clés. Notons que le noir et le blanc du cube rappellent les couleurs des costumes des deux personnages qui portent chemises et pantalons blancs avec sur la tête un chapeau ou une casquette noirs. Ces couleurs sont hautement symboliques dans la culture antillaise : ce sont non seulement celles du deuil, celles que l'on trouve dans les cimetières, mais aussi celles du vidé en noir et blanc du Mercredi des Cendres, dernier jour du carnaval où est brûlé le roi du carnaval, Vaval, qui renaîtra de ses cendres l'année suivante (8). Le blanc et le noir sont donc symboles de vie et de mort, de fin et de renouveau. La mort apparaît d'ailleurs en filigrane dans la pièce : il est question de l'enterrement de la fille de Fulbert, des obsèques de Vaval, sans compter que les deux personnages en présence sont eux-mêmes en fin de vie ; l'un finira d'ailleurs par expirer sur le banc tandis que l'autre feint de croire qu'il s'est endormi. Fulbert qui s'est déchaîné sur les rythmes de tambour frappé par Auguste meurt-il d'avoir trop dansé, chanté, vibré ? Ce dernier souffle est-il signe d'un excès de vitalité ?

Cette fin de vie quasiment imperceptible, invisible, qui se produit pourtant sous nos yeux, reflète-t-elle la mort de la culture populaire créole ? Les deux vieux messieurs que sont Auguste et Fulbert sont-ils les représentants d'une tradition orale qui se meurt, sur le point de disparaître avec eux ? N'incarnent-ils pas plutôt la voix des anciens, des aînés qui est ici célébrée sur la scène théâtrale pour la transmettre et la pérenniser ? José Exélis se nourrit de la parole populaire ancestrale, de l'oralité créole pour faire œuvre de création et d'invention : par un processus de réappropriation et de transformation de la matière populaire, il revitalise l'art théâtral qui participe réciproquement à la renaissance de la culture orale caribéenne.

Stéphanie Bérard


1. En plus d'être dramaturge, Marius Gottin (1949-2011) était aussi comédien. Il est l'auteur de trois pièces (Wopso !, Confitures de patates douces et Biwa) qui demeurent toutes inédites.
2. Samuel Beckett, En attendant Godot, Paris, Les Éditions de Minuit, 1952.
3. Ina Césaire, "Mémoires d'isles", in C. Makward (dir.), Rosanie Soleil et autres textes dramatiques, Paris, Karthala, 2011. Cette pièce a également été mise en scène par José Exélis à Fort-de-France en 2008.
4. Le damier est une danse caribéenne de combat où les danseurs s'affrontent, se défient au rythme du tambour.
5. La Martinique, comme de nombreuses anciennes colonies françaises, est en situation linguistique de diglossie : le créole, dite "langue basse", est traditionnellement réservé aux contextes familiers alors que le français, dite "langue haute", fait figure de langue supérieure parlée dans des contextes formels et officiels. Dans la pièce, Auguste et Fulbert passent successivement du français au créole et inversement sans changer de contexte : on parle alors de code-switching.
6. Seul un harmonica ponctue régulièrement les dialogues. Ce petit instrument, symbole de la solitude de celui qui en joue, à savoir Auguste, laisse en outre le corps libre de bouger, de danser, ce qui explique sans doute le choix de José Exélis de l'intégrer à sa mise en scène.
7. Le ti-bois est un instrument constitué de deux baguettes en bambou qui sont frappées l'une contre l'autre et accompagnent traditionnellement le tambour aux Antilles.
8. Le vidé est un defilé de carnaval dans les Antilles françaises. Les carnavaliers défilent en noir et blanc le dernier jour du carnaval (le Mercredi des Cendres) et en rouge et noir pour la Mi-Carême. On retrouve ces couleurs dans le décor et dans les accessoires ; ce n'est sans doute pas un hasard si Auguste et Fulbert sont vêtus de noir et blanc et si leurs valises sont respectivement rouge et noire.
Source:Africultures

entretien d'Olivier Barlet avec Penda Houzangbé et Jean-Gabriel Tregoat à propos d'Atlantic Produce Togo s.a.

"Le point de vue patronal était notre démarche"



Comment en êtes-vous arrivés à ce sujet, une aventure économique africaine ?


JGT : Penda connaissait le personnage principal depuis longtemps, du temps où ils ont grandi au Togo. On s'est dit que la question de la politique sociale d'une entreprise était un bon sujet qui valait la peine d'être filmé. C'est un lieu de conflit où se croisent les intérêts. Avoir des visées sociales dans le tiers-monde est aussi un point de conflit. Il y avait une histoire du fait d'un personnage en tension qui allait évoluer, confronté aux contradictions. Filmer du côté des ouvriers aurait présenté des personnages positifs contre l'extérieur. Par ailleurs, ces deux patrons ont la position sociale que l'on aurait eue dans leur situation, donc une position qui nous concernait. Je ne me serais pas senti honnête à filmer cette histoire du côté des ouvriers car cela aurait été une fausse place, même si mes idées auraient tendance à aller de leur côté.


Deux récits se chevauchent dans le film : d'une part un couple, Tony et Émilie, qui tombe dans le piège de leur position de patrons, d'autre part la perception de l'Afrique véhiculée par ce couple qui tente une installation en Afrique et pour lequel le réel africain résiste aux belles idées.


PH : On ne le voit pas comme une réalité spécifiquement africaine. Les préoccupations et les situations sont assez semblables à ce qui se vit ailleurs. Des "patrons sociaux" nous l'ont confirmé à notre retour. Certes, le rapport Nord-Sud se rajoute mais la contradiction entre leurs aspirations et la réalité se vit ainsi un peu partout. De plus, ce type de grosse entreprise est assez rare.


Ma question est une question de spectateur : le film est bâti sur le récit du conflit social qui construit la tension et nous accroche, mais la question des préjugés reste présente sur ce que sont les Africains dans ce type de rapports. Lorsqu'un ouvrier quémande une aide, par exemple, n'y a-t-il pas un danger de renforcer les préjugés ?


JGT : Ce type de rapport existe du fait du rapport paternaliste en place.


Mais ce rapport paternaliste n'est pas mis en place par les nouveaux patrons : c'est l'ouvrier qui le demande. Ce n'est pas une situation française.


PH : Parce qu'en France, il y a la sécurité sociale.

JGT : Les avantages de l'entreprise ne peuvent pas être remis en cause en France aussi facilement. C'est codifié et formalisé. Mais je ne pense pas que ce soit spécialement un rapport africain et qu'il existe pour des raisons objectives.


Quelles raisons objectives ?


JGT : Structures des entreprises, conditions sociales et économiques, etc.


Le passé social de l'entreprise est assez exceptionnel en Afrique : ils ont droit à une aide pour la scolarisation de leurs enfants. Ils essayent de la maintenir et ça résiste car le nouveau patron explique que l'argent n'est pas là. Si on résume le conflit, les ouvriers pensent qu'en poussant un peu les choses, ça devrait passer.


JGT : En étant patron, tout pousse Tony à résister, pas seulement en fonction de ses possibilités financières.

PH : Il y a effectivement un dialogue de sourd au niveau social alors que tout le monde comprend très bien le point de vue de l'autre (manque d'argent pour financer l'aide/nécessité d'envoyer les enfants à l'école). La question est de savoir où sont les intérêts et les priorités. Mettre de l'engrais passe-t-il avant le fait d'envoyer les enfants à l'école ? La question n'est donc pas tant de compréhension ou de pédagogie : ils comprennent ce que veut l'autre mais ne peuvent le partager.


J'essaye de comprendre comment vous avez construit votre récit et votre montage ensuite. En vous mettant du point de vue de l'entrepreneur, la demande ouvrière arrive comme une revendication voire une plainte, ce qui met de côté le contexte social puisqu'on n'adopte pas leur point de vue. Il y a donc une différence de traitement.


JGT : On a essayé de donner l'information minimum pour que le point de vue ouvrier soit clair et incontestable : le désir de pouvoir envoyer les enfants à l'école. Quelqu'un de gauche y verra la description d'une machine économique, quelqu'un de droite y verra la confirmation que les demandes sociales sont aberrantes !


Le couple de patrons met en place un certain paternalisme en célébrant la représentation des salariés mais les ouvriers semblent être maximalistes et ne pas aller dans leur intérêt.


JGT : Je ne crois pas qu'ils soient maximalistes : ils ont une demande basique. On s'est focalisé sur ce sujet, il y en avait d'autres. Ce prêt leur est accordé tous les ans pour qu'ils envoient leurs gamins à l'école. Les nouveaux patrons disent ne pas vouloir endetter davantage l'entreprise.


Comment cela s'est-il passé avec le couple de patrons : cordial distant ou plutôt copains ?


JGT : Un peu des deux.

PH : Ils se sont exprimés parfois pour dire que ce qu'on entendait était dur mais qu'on n'était pas à leur place. Sinon, en général, on n'en parlait pas.


Et comment cela s'est-il passé avec les ouvriers ?


PH : Plutôt bien : on n'était peut-être pas si envahissants. Il est arrivé qu'on nous demande de ne pas filmer à une réunion. On s'est mis d'accord avec un délégué pour pouvoir filmer en permanence et quand ils ne le voulaient pas, qu'ils nous le disent.

JGT : Vu qu'on n'était tout le temps fourrés dans le bureau du patron, il était assez étonnant que les ouvriers soient aussi cordiaux. Ils ne nous étaient pas hostiles. Les discussions ont été collectives et on a pu s'entendre.

PH : On craint toujours que les gens fassent la place à une caméra et une perche quand ils sont en réunion ou à travailler, mais ça se passe bien.


Ils ont compris cela comme une lubie des patrons ?


JGT : Non, ils savaient que c'était du point de vue patronal, mais que c'était notre démarche à nous.


Le personnage du patron est un peu mou et hésitant : c'est un sujet de cinéma un peu difficile…


JGT : Il y a des choses qui ne se voient pas. Dans le boulot, il n'est pas mou, mais il n'explique pas ce qu'il fait, il ne se justifie pas. C'était difficile à capter.


Votre caméra est souvent proche, dans un bureau, mais sans gros plans.


JGT : Oui, il y a beaucoup de plans poitrine. La taille du lieu empêchait les plans larges mais on voulait tourner pour monter dans les séquences. On est là, proches, mais pas dans l'intimité : cela me semblait une distance juste.


Une position d'observateurs.


JGT : Oui, mais un observateur qui n'est pas loin.


La position d'une caméra vous semble-t-elle avoir changé les choses sur le terrain ?


JGT : Ils traitaient de problèmes graves pour leur vie et la caméra était sans doute accessoire. On était là tous les jours et les personnes extérieures, on les avait déjà vues. Tony, le patron, nous introduisait toujours.

PH : Quand le fonctionnaire arrive, on est du côté des ouvriers et la caméra était si oubliée que certains venaient se placer devant.


Comment cela s'est-il passé entre vous deux dans la division du travail ?


JGT : J'ai une formation image et ai donc tenu la caméra. Penda est monteuse et a fait le son à la perche. C'était bien d'être deux vis-à-vis du sujet, à la fois protégés par la machine, donc avec une fonction et non juste observant, et d'autre part c'était une équipe légère.


Et comment élaborez-vous le film ensemble ?


PH : La question se pose rarement sur le moment car il faut juste résoudre les problèmes. On n'a pas de difficultés à ce niveau.

JGT : On était tout le temps d'accord, c'est au montage qu'on s'est affrontés et on a fini le montage avec une monteuse extérieure, pour avoir davantage de distance.


Sur quoi vous accrochiez-vous ?


JGT : L'importance de telle ou telle chose, le rythme de travail…

PH : Mais cela ne touchait pas les choses générales sur le récit.


Quels sont les choix du montage ?


JGT : L'impression qu'on voit tout vient du fait qu'on a essayé d'enlever tout ce dont on n'a pas connaissance. Du coup, ce qu'on voit dans le film n'est pas la réalité : ça ne s'est pas passé comme ça !


Le documentaire est toujours un discours sur le réel et non le réel lui-même ! L'important reste de respecter le spectateur… 115 minutes, c'est long, pourquoi si long ?


PH : On ne l'avait pas prévu mais on voulait conserver la richesse du propos. On ne voulait pas rentrer directement dans le conflit, amener doucement les enjeux des gens.

JGT : On ne voulait pas non plus faire un film d'ellipses : plutôt conserver une certaine complexité de la narration et des personnages. Si on avait trouvé la formule qui tienne en une heure et demie, on l'aurait prise. Mais je ne suis pas sûr que 1 h 30 ou 1 h 50 ça change grand-chose : un long-métrage documentaire est de toute façon difficile à vendre.


Combien de temps a duré le tournage ?


PH : On l'a commencé en début 2008 et fini en novembre 2011, car il nous fallait travailler régulièrement à l'extérieur. C'était très morcelé.

JGT : Il nous fallait attendre l'argent nous permettant de finir le film…


Jean-Marie Barbe d'Ardèche images était à la production. Comment s'est passé votre rapport ?


JGT : Ses remarques sur le premier montage ont été utiles et nous ont permis d'avancer. C'était pertinent et sans pression.